mardi 30 avril 2024

Emile 1.




Emile arrive à Saint-Lô dans la Manche, en Normandie, le 17 mars 1909 pour un premier emploi « d’élève professionnel » dans la pharmacie Hebert rue Thiers. 

Il a 17 ans. 

Il commence son premier carnet de comptes le 19 mars et le termine le 11 octobre 1928, 19 ans plus tard à 36 ans. Symboliquement, en notant toutes ses dépenses, il entre dans l’âge adulte, puisque, quel que soit le pays, être adulte est le fait de subvenir à ses propres besoins et d’être autonome financièrement.


Ce premier carnet est  brun, de la marque STU, avec une feuille de chêne imprimée sur le coté droit dans le coin en haut, la reliure est renforcée par un bandeau collant noir devenu bronze avec le temps. Il mesure 9,5 cm x 15 cm et est donc d’un usage facile. Les feuilles à petits carreaux permettent de tracer un alignement, elles ont jauni  et sont piquées de tâches brunes mais l’écriture serrée est lisible, l’encre n’a guère pâli.


Il procède à une mise en ordre de sa vie en quatre colonnes: 

la date: le jour et le mois

l’objet de la dépense et les quantités

la colonne : utile et  coût

la colonne : superflu et coût

au bas de la page la somme totale de chaque colonne et son report en haut de la page suivante


Il note absolument toutes ses dépenses, probablement chaque soir afin de ne rien oublier. Souvent ces écrits ne sont pas conservés ou sont illisibles. Les comptes d’Emile ne comportent aucune rature, ils sont extrêmement  bien tenus comme la bonne gestion de la maisonnée. 

Le deuxième carnet d’un format plus grand  (17 cmx10,5 cm) est tenu pendant 42 ans, il commence en octobre 1928 et se termine en 1970,  il a 78 ans. Le superflu disparaît ou se confond avec l’utile « majoritaire » .


La vie de mon grand-père se résume à 61 ans de comptes précis, uniquement des dépenses! Les lignes de comptes suivent les lignes biographiques. Les carnets enregistrent les moindres faits et gestes de faible intensité, ils construisent l’état d’un individu et d’un foyer. 

De rares fois, Emile a noté des évènements majeurs de son existence par exemple  « la fuite de Thorigny » ou le bilan, en quelques mots, de ses années de guerre. 


Tout ayant un coût, cette vie se lit en filigrane dans les comptes. 


Quelle est donc le quotidien d’Emile à la Belle Epoque, jeune homme exilé dans la Manche? 



1 commentaire:

  1. Cela donne envie de lui poser plein de questions en fait !! A quoi cela servait de noter le "superflu", de pouvoir s'en passer sur une vue budgétaire prévisionnelle ? :)) En filigrane, on apprend sans doute avec cela beaucoup de choses, et sans doute plus que dans un journal intime. ^^

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