Mon conjoint est un psychopathe du
cintre
et j'aurais tout aussi bien pu intituler ce billet "le mystère des
cintres fantômes" sauf que je sais parfaitement où ils finissent. Tous
les week-ends après avoir amoureusement repassé ses chemises avec force
vapeur, il les suspend à un ou plusieurs cintres et les emporte là où il
travaille .... Ma collection diminue dramatiquement et je dois en
acheter régulièrement. A la question, "
tu dois en avoir un bon stock?"
La réponse est sans appel, c'est non! J'ai donc développé une stratégie
afin de débusquer l'addiction. J'achète des laids, des noirs et des
violets, de ceux que l'on repère à 20m et qu'on ne peut oublier! Las,
ils disparaissent quand même. Je n'ai pas osé acheter des immondes en
ferraille qui laissent de la rouille sur les chemises, il épuiserait le
stock des plastiques et me laisserait les fils de fer!
De temps en
temps, de son coffre, discrètement il extirpe une dizaine d'objets si
appréciés. Cela fait un certains temps qu'il n'a rien ramené. Tous les
noirs et tous les violets ont disparu!
"
Si ça vous fait plaisir, c'est de bon coeur!" C'est la caissière du supermarché, qui voyant mon stock dans le caddy a eu pitié de la
zézette
en moi, elle m'en a proposé une bonne vingtaine, qu'elle a extirpé de
sa poubelle, des en plastique, noirs, fragiles et moches mais utiles.
J'ai donc récupéré les précieux objets et je les offre avec plaisir
tous les dimanches. Pour le moment, mon problème est réglé!
Je
ne suis psychopathe de rien du tout. Du moins je le pense, or il n'y a
pas si longtemps mon homme à moi a fait un inventaire des bouteilles
de shampoing qui s'accumulent sous le lavabo, sur le caillebotis de la
douche, dans le cagibi, tout heureux d'étaler au grand jo
ur
mon addiction. Des spéciaux pour cheveux, longs, blonds, bruns,
bouclés, secs, permanentés, décolorés, fourchus, blancs ... auxquels
s'ajoutent les démêlants! Je pense que la jalousie pour nos crinières de
sauvageonnes à jouer en notre défaveur.
Pour être honnête, je
fais aussi une fixation sur les boîtes de sardine, j'ai toute la
collection de l'usine locale. Peu importe, c'est comme le vin, plus
elles vieillissent, meilleur c'est!
Certains produits utiles à la
cuisine s'accumulent et on découvre alors qu'il faudra plusieurs
couscous ou ratatouilles pour les éliminer, qu'il faut cesser d'en
acheter.... Jusqu'au jour où en en ayant vraiment besoin on découvre
avec horreur qu'il n'y en a plus.
Le stockage reste un
problème pour les produits frais. Mon frigo est toujours plein mais
c'est une illusion car le geste magique qui consiste à l'ouvrir afin d'y
trouver ce qui calmera la faim est une aventure risquée.
Il n'est
pas rare d'extirper une boîte de raviolis frais sous vide périmée
depuis un mois et demi .... Après test, ça ne rend pas malade, on survit
à la nuit sans squatter les toilettes. Les enfants ont le chic pour
débusquer la tomate pourrie écrasée entre deux courgettes jaunies par la
vieillesse, la petite noisette de beurre rance toujours enveloppée dans
son papier à carreaux bleus et blanc au sel de Guérande, la coriandre
dégoulinante dans son sac en plastique (ça ne se conserve pas du tout la
coriandre), le morceau de fromage de chèvre dur comme la pierre, perdu
au milieu des escalopes de poulet (non périmées), les yaourts de plus de
trois mois, le morceau de magret de canard séché rapporté en février de
la montagne....Il y a aussi des bols et des jattes pleines des restes
du week-end: les morceaux de lapin que personne n'a voulu manger (qu'on
ne mangera jamais d'autant qu'ils ont refroidi dans leur gras), la
salade de tomates aux oignons et aux herbes imbibée de jus de
vinaigrette après deux jours de trempages, la soupe en sachet que l'on
ne peut plus identifier. Etait-ce de la soupe thaï, le velouté aux
asperges, le potage aux 9 légumes? Ce n'est plus qu'un jus saumâtre ou
surnagent quelques vermicelles. Il y a aussi les six pots de confiture,
les trois plaquettes de beurre, les 20 yaourts nature (j'ai abandonné
depuis plusieurs mois les yaourts aux fruits certains comme ceux aux
cerises finissaient à la poubelle) les deux pots de crème fraîche, le
concombre, les lardons, les compotes, le chocolat blanc, noir, au lait,
la moutarde, les cornichons, les patates, le gingembre, le ketchup, les
oignons, l'ail, le persil .... y a de tout dans le frigo sauf ce qui se
mange tout de suite, qui satisfait la fringale de l'adolescent.
Bref,
c'est la caverne d'Ali baba, le musée des horreurs, l'antichambre de la
poubelle. Régulièrement après une moue de dégoût de quelques
utilisateurs dépités de ne pas y avoir trouvé pitance, il me prend
l'envie d'endiguer tout développement de bactéries perfides, le ménage
s'impose, l'éradication radicale avec eau de javel, gants Mapa et la
poubelle sous la main.
J'ai honte, mais ça fait beaucoup rire les
enfants qui ont l'occasion de visiter d'autres frigos, exemplaires
ceux-là. Des réfrigérateurs qu'on ne remplit que lorsqu'ils sont vides
et de manière scientifique. Les critiques fusent mais au final ils
aiment ce qui en fait l'originalité, son apparente plénitude et la
franche rigolade à l'exhumation du produit rare oublié depuis plusieurs
mois, couvert de poils verts de gris ....
Récemment j'ai testé l'épreuve du frigo vide, ils n'ont pas aimé ...