mercredi 27 janvier 2021

Yvan Jablonka Un garçon comme vous et moi.

Un garçon comme vous et moi presque parfait d'Yvan Jablonka est un livre bien écrit, intéressant à bien des égards mais anecdotique? Inutile? Peu représentatif de ce que souhaite étudier l'auteur : comment s'élève un garçon ? 



Comment s'élève un garçon d'un milieu privilégié mais pas trop? En aucun cas il ne se sent comme un grand nombre des élèves de la 6ème 1 du lycée Buffon "mieux dotés que lui socialement et économiquement" ? 

Son récit est lisse, ses états d'âme convenus afin de ne pas choquer ou quasi inexistants. L'auteur a  gommé toute émotion! Yvan est un petit garçon parfait du début (sa naissance) à la fin de ses études (ses 23 ans), tout juste s'il avoue de petites turpitudes comme frapper son frère à la tête ou mal se comporter avec une fille pendant son stage de voile. A son corps défendant, ils étaient trois morveux à la mépriser. Il a bien réussi, on est content pour lui! Pensez donc normalien, agrégé, docteur, professeur, écrivain! 

Je m'ennuie à la lecture de cette analyse dénuée de tout sentiment même si l'historien ne manque pas de ponctuer son récit de quelques jalons historiques concernant par exemple l'accouchement sans douleur, la naissance de RécréA2, Goldorak, les classes bilingues en allemand, les jeux de billes ...Adolescent, il tient un journal dans lequel il puise aujourd'hui  quelques platitudes,  "je me lève difficilement". Il joue au foot, au tennis, prend le métro, fait  la bagarre avec son père, il questionne ses anciens copains sur qui il était, afin d'étoffer son autobiographie laborieuse ... mais le lecteur ne vibre pas  et franchement, on se demande bien où il veut en venir! Il est le digne représentant de l'élite parisienne, celle qui réussit sans douter. Il y  a bien quelques ratages parmi ses copains, mais globalement quel aréopage de têtes pensantes et de réussites sociales (médecins, énarques, journalistes..). Contre toute attente, Yvan fait son service militaire bien qu'il n'ait pas envie de "frayer avec des abrutis au crâne rasé commandé par un adjudant moustachu"...(page220). Tout est dit, l'auteur n'a jamais fréquenté que l'entre-soi des gens bien nés (même si il peut parfois se vanter d'avoir un poil connu des copains moins dotés socialement et économiquement).  En outre, il ne se rend pas vraiment compte que naître garçon reste, même dans les années 70, un privilège! Pas de soeur, une mère dont le rôle est celui d'une femme qui élève ses enfants, elle est professeur à temps partiel pendant que l'époux "travaille", des filles en classe peu nombreuses qu'il aime à distance, aimerait draguer, etc...Celles dont il brossent le portrait, ne sont-elles pas des garçons manqués? 

Ce "vous" à qui il s'adresse dans le titre se veut masculin et féminin? Il en serait la synthèse! 

Le livre est bien écrit ce qui me change de la bouse dont je suis venue à bout péniblement il y a peu! Jablonka témoigne des années 70 lorsque la télévision, les jeux vidéos prennent de plus en plus d'ampleur. J'ai traqué ce qui pouvait être mon vécu mais plus sûrement celui de mes enfants. Trop tard, trop tôt, il s'agit d'un entre-deux, les années Giscard. Il manque à son récit les petites hontes que l'on met sous le tapis et qu'on ne raconte que dans un roman! Où sont ses émois et ses peines dont il est question en quatrième de couverture? 

J'ai adoré et dévoré Histoire des grands-parents que je n'ai jamais eus (2012), ainsi que Laetitia, je me suis ennuyée en camping-car (2018, titre d'un autre de ses récits); cette fois-ci,  franchement, lecteur passe ton chemin! 

Cependant, quelques questions méritent d'être posées: livre d'histoire ou roman, quel type d'ouvrages rend le mieux compte de la construction de la "garçonnité"? (sic). Est-ce par l'absence des filles qu'il construit sa masculinité? 

Camille Laurens dans Fille réussit pleinement à atteindre l'objectif qui consiste à questionner la construction du genre, pas besoin de meubler en produisant un discours savant! 

Musée de la Cathédrale de Las Palmas


dimanche 24 janvier 2021

Gran Canaria, Les Canaries.

Gran Canaria début janvier, quelle drôle d'idée? Que nenni!

Allez aux Canaries en hiver reste une destination épatante! 

Tejeda, au coeur de l'île. Dans la caldera

Gran Canaria est une île aux paysages époustouflants. Depuis quelques mois, elle est désertée par les touristes anglais victimes du Brexit et d'un variant covid agressif et par les Allemands sévèrement confinés. La place est libre pour les Français accueillis à bras ouverts! Chouette! Chouette! 

Nous avons opté pour une semaine début janvier avant que tout déplacement international - depuis l'étranger vers la France et de la France vers l'étranger -  ne soit totalement et strictement déconseillé jusqu'à nouvel ordre, ce qui ne signifie pas qu'il soient interdits évidemment mais j'apprécie toute la subtilité de cette injonction (qui n'en est pas une)! 

Dix plaisirs à Gran Canaria

1. La douceur de l'air sur le littoral en plein mois de janvier, une mer à 18 degrés dans laquelle on peut rester longtemps sans avoir froid. 

2. Des plages secrètes qui se méritent dans un cadre montagnard, des falaises gigantesques qui tombent dans la mer, plages étroites sur fond bleu, aux sables noirs et aux galets énormes: Güi-Güi entre Puerto de Mogan et la Aldea de San Nicolas. Amateurs peu entraînés s'abstenir car il faut savoir grimper les 500 m de dénivelés avant de pouvoir en descendre autant afin d'arriver sur la plage, le retour se fait en sens inverse, il s'agit donc de garder le moral et la forme! C'est raide, abrupt mais le paysage au col est fabuleux! (ne pas croire le guide du Routard qui évoque un sentier côtier.... ). Sans doute est-il possible de se baigner en été mais l'hiver, les vagues sont énormes. Les piscines naturelles de Puerto de la Nieves au nord ouest de l'île sont un abri précieux pour l'amateur de bain. On y accède par une magnifique promenade aménagée le long du front de mer depuis le port de pêche. J'ai également apprécié les 400 hectares de dunes de Maspalomas même si elles sont au coeur des Canaries balnéaires et des tours opérateurs. Etrangement, on oublie très vite les grands complexes  hôteliers et résidentiels avant d'atteindre la mer. 

La plage Gui-Gui. 


3. Le sentiment de n'être rien au coeur de cette immense caldeira déchiquetée par les vents. Elle s'éprouve sur la route qui mène de la Aldéa de San Nicolas vers Tejeda. Une route à une voie où l'on se croise à condition d'être dans le bon virage qui offre un vague repli sur le bas-coté entre un à-pique vertigineux ou une pente friable, fragile, marquée par les éboulis. Evitez de la prendre le soir, à la nuit tombée, par temps de pluie et de brouillard après une longue journée de randonnée. L'arrivée à Tejeda par 6° refroidit les voyageurs les plus téméraires. Au coeur du volcan à haute altitude, les maisons n'ont pas le chauffage si ce n'est dans les chambres d'hôtel (15 bonnes minutes à réchauffer), la cheminée du salon était éteinte même si une bonne flambée n'attendait qu'une allumette pour ranimer le hardi chauffeur éprouvé par la route difficile. Le pire est pour moi d'être passée sous le mur de deux immenses barrages-voutes probablement prêts à s'effondrer.. (j'ai été marquée par la catastrophe du barrage de Malpasset au Fréjus en décembre 1959) 

La caldera de Tejeda


4. Les randonnées sauvages dans un paysage fabuleux surtout lorsque le vent chasse la brume et que les crêtes déchiquetées se révèlent sur l'horizon bleu. La mer n'est pas loin, l'île ne fait que 50 km de diamètre. 

5. La soupe canarienne mangée dans l'arrière cuisine d'un restaurant perdu d'un hameau de montagne, chaude et chaleureuse. 

La Culata, restaurant Los Pasitos


6. La géographie et la géologie de cette île étrange et aux premiers abords, hostile. 

El Roque Nublo 1813 mètres


Vers la plage Gui-Gui, le passage du col. 

7. Le charme des petits ports de pêche 

8. Las Palmas riche en musées, la "casa de Christophe Colomb", la vieille ville, les ruelles aux façades colorées, dense,  sur sa presqu'île longée par une autoroute immense doublée d'un chemin côtier étonnant protégé par des rochers disposés artificiellement, qui malheureusement n'empêchent pas les nuisances automobiles! Il a toutefois le mérite d'exister. 

Las Palmas, le chemin côtier


9. La gentillesse des Canariens, au moral plombé par un tourisme en berne! A chaque fois, je me promets d'apprendre quelques mots d'espagnol pour les remercier de leur amabilité ! 

10. Le dépaysement ... tout simplement et la joie de randonner dans un cadre superbe. 

Trois adresses :

- A Agaete,  Hôtel rural Las Longueras 

- Petits appartements à Puerto de Mogan, port de plaisance joliment arboré construit dans les années 80. 

- A Tejeda Hotel Rural Fonda de la Tea

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mardi 12 janvier 2021

Le sentier côtier

Le point sur le chemin côtier entre mars 2015 et janvier 2021. 
J'écume les brouillons et publie les marronniers. Rien a changé!
Lever du soleil le 1er janvier 2021


Mardi 2015 en mars: 12°, soleil, ciel bleu immaculé, houle de sud-ouest, écume blanche, mer haute, ...le vieux est de sortie sur le chemin côtier. Certes moi aussi, pour un footing. 
Donc en gros à 15h de l'après-midi, en semaine, il y a les vieux et les vieilles en doudoune noire ou marron, les profs, les salariés à horaires décalés, des chiens.... Un pêcheur taquine le bar en bottes et pull jacquard. Aucun jeune, nada, nichts, rien ..... Les jeunes viennent l'été à la première heure de perm pour un bain rapide et repartent sur leur scooter à fond la caisse. Le reste du temps, ils font sms au chaud au fond de la classe, causeries sous les abri-bus, internet ou séries à la télé, vautrés sur le canapé de papa et maman.

L'hiver, c'est planplan .... Y a pas la foule! 
Le vieux est soit en groupe, en couple avec sa femme, à deux ou à quatre, soit en couple avec son chien, plutôt petit, genre ratier à poil, ras, parfois, ou sans poil. La bestiole est souvent indifférente quelques fois  teigneuse. Il n'est pas rare qu'elle soit au bout d'une laisse démesurée que le proprio laisse traîner afin de marquer son territoire, la crainte est alors de se prendre les pieds dedans.  Les quadras ou quinquas que l'on rencontre le dimanche, eux, ont un gros chien genre golden retriever, genre très con. Ces chiens vous reniflent le cul, courent comme des tarés après les lapins, se baignent dans la bouillasse et vous aspergent en prime, se jettent sur les petits chiens qu'ils croisent lorsqu'ils n'en ont pas peur. Les petits peuvent également les agresser. Le Golden retriever est la rolex du couple qui a réussi sa vie... 

Quelques propriétaires ont le bon goût de ramasser les crottes dans un petit sac en plastique qu'ils déposent ensuite dans la poubelle à merde installée en bout de plage. Met avis que vider le réceptacle en question ne doit guère être glamour. 

Mercredi: 4°, pas un chat sur le chemin, le vieux se promène un jour sur deux, le mercredi il garde les petits enfants! Vent du nord, froid!


Janvier 2021, il fait 0°, les flaques et la boue sont gelées, le chemin a peu changé depuis 5 ans. Des voisins indélicats ont éradiqué sur plusieurs centaines de mètres les taillis qui bordaient le rivage, le froid pique mais la vue est dégagée sur le rocher de la noyée. Récemment après les grandes pluies de l'automne les employés de la mairie ont creusé de petites rigoles afin de faciliter l'écoulement des eaux des mares qui stagnent sur le chemin! Depuis le confinement, le vieux profite, il sort davantage selon l'adage "ce qui est pris est pris".  

Je préfère la douceur et le gris tant qu'à faire.

jeudi 7 janvier 2021

Yoga d'Emmanuel Carrère.

Yoga d'Emmanuel Carrère est un livre bâclé, écrit sur un coin de table en formica entre une tartine beurrée et un bol de café. Les taches de gras et les miettes de croissant ont laissé des traces sur le brouillon publié. 


Le livre n'a pas été retiré du prix Goncourt car l'auteur mêlait vie privée et autofiction mais très certainement pour incompétence littéraire, il était indigne de le laisser dans la compétition. 
La vénérable maison Pol m'a habituée à mieux, et généralement, je n'investis pas pour lire un piètre roman de gare! Le suspens y est probablement mieux mis en scène ; ici l'auteur sème régulièrement qu'il va s'y passer des événements plus sérieux que ce qu'il est en train de raconter concernant ses heures de méditations sur un tapis bleu dans un hangar en compagnie de 120 stagiaires. Il nous prévient à maintes reprises qu'il ne s'agit que d'une mise en bouche, avant de découvrir pourquoi il ne respecte pas son engagement à rester quinze jours. 
Qu'on puisse commencer une phrase par "ça" ne me gène pas à condition que le reste du récit soit vraiment de bonne tenue ... Or ici ce n'est pas le cas, l'écriture révèle une grande paresse et un considérable mépris du lecteur. 
Non seulement je m'ennuie profondément mais je dois relire plusieurs fois certains passages, non pas parce qu'ils sont riches en vocabulaire ou qu'il faut s'attarder pour en savourer la qualité et en goûter la saveur des évocations  mais parce qu'ils frisent le charabia! Emmanuel Carrère explique d'ailleurs "écrire ce qui lui passe par la tête dans la plus royale indifférence à l'opinion des gens qui disent qu'on s'en fout de ce qui lui passe par la tête...." Il évoque ainsi  Montaigne, page 85, auquel il se compare (je n'ai jamais pu lire Montaigne). "Ecrire tout ce qui vous traverse sans "le dénaturer " c'est exactement la même chose qu'observer sa respiration sans la modifier. C'est à dire que c'est impossible. Pourtant ça vaut le coup d'essayer. ça vaut le coup de passer sa vie à essayer. C'est ce que je fais, c'est mon Karma qui veut ça." ... (page 86). 
J'ai rarement vu un auteur enchaîner en si peu de pages autant de platitudes, de "ça" et de "on"! (14 on page 38 ou 7 c'est page 61)
Il existe des journaux intimes bien mieux écrits, des introspections bien plus passionnantes et inspirantes. 
Arrive ensuite, comme un cheveu sur la soupe, une scène de sexe dans un hôtel suisse, à Genève,  introduite comme un cheveu sur la soupe après une longue description de sa façon d'écrire : "je ne pense qu'à ça, je fais des phrases, des phrases, des phrases, il n'y a plus de place pour autre chose, ce sont parfois avec le sexe les plus hauts moments de ma vie, ceux où je me dis que ça vaut le coup d'être sur terre. ... Se représenter dans le moindre détail une nuit d'amour, je trouve ça non seulement agréable mais bon et sain." (page 88) ... Il embraye alors sur un récit d'un ennui profond, gênant car le lecteur devient voyeur. 

L'auteur nous livre son récit sans correction, sans relecture, et révèle une écriture de paresseux, qui réussit à vendre son bouquin, grâce au retrait fracassant de l'ouvrage pour le prix Goncourt. Dans dix ans, il finira à la poubelle sans état d'âme, voire dès demain ... 
Déception. 
Chez Babelio que j'aime bien parcourir avant de donner mon avis, le livre semble avoir trouvé des lecteurs ravis! Tant mieux! Les critiques littéraires des quotidiens nationaux se sont contentés de surfer sur la polémique parce qu'ils ont probablement lu le livre en diagonale. 
Pour moi, la magie Carrère, cette fois-ci, ne passe pas, je trouve injuste qu'il puisse publier grâce à sa notoriété. 

Le prix Renaudot Marie-Hélène Lafon, histoire du fils est d'une autre tenue! Ciselé, magnifiquement agencé, concis et riche! Je recommande vivement.



 

mercredi 6 janvier 2021

Nue

Ce matin je n'ai plus de téléphone! Rien à faire, il ne veut rien savoir, la pomme clignote sur fond d'écran noir, il agonise depuis plusieurs heures sans qu'aucune pression sur le bouton de démarrage n'active le précieux appareil. Désespérant ... 



Je me sens nue, du moins, est-ce le premier mot auquel j'ai pensé en constatant la "catastrophe" mais la sensation n'est pas tout à fait celle-ci! Etre nue suppose d'être visible aux yeux de tous sans protection, je suis plutôt invisible, je n'existe plus car je ne suis plus joignable or l'être à tout moment est aujourd'hui un élément essentiel de notre vie! 

Pour me contacter il faut m'écrire par sms ou par mail et  que je sois devant mon ordinateur, chez moi,  pour les lire! 

La situation est terriblement inconfortable d'autant qu'il va me falloir très vite un téléphone pour me connecter aux services dont j'ai besoin d'ici samedi ... J'ai aussi le sentiment que l'on va forcément avoir envie  de m'apprendre quelques nouvelles importantes, des informations fondamentales sans lesquelles on ne peut pas vivre, me prévenir d'un changement, me demander de m'engager sur telle ou telle date, vouloir venir me voir, me rappeler mes obligations, lire l'heure (j'ai une montre heureusement), lire la presse, écouter de la musique, me repérer sur une carte, prendre une photographie, constater que je ne progresse absolument pas en course à pied sur le chemin côtier, me renseigner sur la météo, l'heure des marées, entendre ma mère me demander 12 poires, un tube de crème et le journal télé trois fois par jour, appeler le médecin, le dentiste, le garagiste ; parler à mes enfants! Que sais-je?

En attendant je me sens étrangement: nue? vide? déconnectée? inexistante? Il m'est difficile de décrire la sensation, mon téléphone me manque, c'est certain. 

Mais je me sens aussi un peu libérée! Si je n'avais pas quelques obligations en fin de semaine, je pourrais trouver l'expérience excitante! 

Il faut toujours que ce genre de tuile arrive quand on en a le plus besoin et surtout de manière urgente. C'est fort dommage ... 

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