dimanche 16 juin 2024

J'arrête le beurre !

J'arrête le beurre! 




J'arrête le beurre, le gras de l'entrecôte, la peau du poulet, la mayonnaise avec les langoustines! J'ai du mauvais cholestérol, il faut agir! 

D'autres pourraient arrêter l'alcool, (je ne bois plus), la clope (je ne fume pas), moi c'est le beurre! J'aime le beurre! C'est atavique! Cependant, dans ma famille, de hauts Bretons, pas de motte au milieu de la table dans laquelle on pouvait piocher à la cuillère à soupe! Mais on en avait toujours dans le frigo, on n'avait pas d'huile d'olive, je ne savais même pas que ça existait jusqu'à ce qu'on aille en Espagne en vacances. La  livre de beurre n'avait jamais le temps de rancir!



J'en mange tout le temps, tous les matins avec du pain grillé et un peu de confiture, à midi avec les sardines à l'huile, les huîtres, l'entrecôte ou les patates à l'eau, avec le fromage, tous les fromages et surtout le camembert et le petit Charolais (le beurre adoucit le côté salé) et même en juin, je mange de grandes tartines beurrées avec des fraises bien fraîches que je saupoudre de sucre !  Pour peu qu'elles s'écrasent, leur jus coule sur la beurrée (si si c'est comme ça qu'on dit)  et imprègne la mie libre de beurre, dans les trous que j'aurais oubliés de couvrir! 

Bien sûr, je cuisine au beurre, je fais revenir les oignons et les légumes pour la soupe avant de les noyer d'eau, je recommande, c'est bien meilleur! Je cuis le poisson au beurre, le poulet rôti ne passe au four que s'il est enduit, les patates sautées le sont au beurre ainsi que les gâteaux (coup de bol je ne suis pas fan de sucre!). Le fin du fin est de déposer des îlots de beurre à la surface du far breton avant de le cuir au four! Saisi à point le beurre se transforme en flaques légèrement salées et sucrées sur les bords.

 

Car bien sûr je mange du beurre salé, du demi-sel avec des cristaux. 

Récemment j'ai trouvé un beurre Bordier au Sarrazin, il se mange seul, pas besoin d'y ajouter quoique ce soit!

Résultat un taux de cholestérol qui ne cesse de grimper et vient de dépasser les doses normales. 

Pour conclure une chouette blague reçue ce jour, d'un ami mien qui a bien senti que j'avais un problème! 

rhoooo! 

PS: depuis je mange les huîtres sans pain puisque sans beurre

mercredi 12 juin 2024

Pierre .

  



Mon arrière arrière-grand-père s’appelait Pierre, il était cultivateur et tailleur de pierre, il est mort à Combourg le 22 décembre 1881, il était marié à Françoise Marie Couvert (1827-1893) cultivatrice demeurant à la Basse Epine. La ferme existe toujours sur la commune.


Plusieurs générations de Lefrançois sont originaires de Combourg. Cependant, ils ne s’y installent qu’au début du XVIIIème siècle (1743), à la faveur du mariage de Jean Lefrançois (né en 1726 à Meillac) avec Gillette Lencezeur (1727-1799) originaire et habitant Combourg. Un de leur fils, Julien Lefrançois  y naît en 1758.

Meillac et Combourg sont deux villages voisins, aujourd’hui deux communes limitrophes ; Meillac est sur la départementale 794 en direction de Dinan, vers l’ouest. Les centres bourgs ne sont éloignés de 5,7 km que l’on franchit en 7 minutes aujourd’hui. 

A partir du milieu du XVIIIème siècle, la famille de Jean Lefrançois ne quitte plus Combourg.   Le couple garde pourtant des liens avec Meillac puisque leur fils Julien Auguste (1758-1808) épouse une fille Lafond Anne Françoise. (1771-1821) originaire de cette paroisse.  

Ces Lefrançois sont cultivateurs, à la Pérosselais, au sud de Combourg, ou à La Vieux-Cour, à l’est, mais surtout à la Basse épine au nord ouest.


La Basse Epine est un écart qui se distingue lentement d’un écart plus ancien, la Ville en Julien, le nom est ajouté au crayon à papier sur le cadastre napoléonien de 1828. Ces hameaux sont proches de la limite communale avec Meillac.


Cadastre napoléonien 1828




Cette branche de Lefrançois y reste presque tout le XIXème siècle. D’autres Lefrançois vivent  dans les autres écarts de la commune plutôt à l'ouest de la ville mais il n’y a pas de véritable dispersion sur tout le territoire de la commune de Combourg.

Les hommes vont chercher leur future épouse à la Chapelle-aux-Fitzméens : les filles Couvert principalement Rose-marie (1792-1838) et Françoise-Marie (1827-1897) demie nièce de la première puisque le père de Françoise était le demi-frère de Rose Marie. Se marier entre apparentés est une pratique courante des communautés "refermées" sur elles-mêmes (Martine Ségalen, Destins français, Essai d’auto-ethnographie familiale, Lyon, Créaphis éditions, 314p. p.59 ). 


A la Basse Epine, il y a une dizaine de maisons, composées d’une cour sur le devant et d’un jardin à l’arrière. On y vit majoritairement en famille, les oncles et leur familles sont voisins. Tous les Lefrançois sont propriétaires de quelques arpents,  on peut ajouter quelques terres ou landes, souvent dispersées parfois un peu éloignées de la maison .

Les revenus sont issus de ces petites propriétés insuffisantes pour vivre et de fermage. Les femmes sont ménagères ou journalières.

A la fin du XIXème siècle, la première migration d’envergure se fait vers la ville et le centre bourg, vers un des quartiers les plus pauvres de Combourg. 1880 marque une cassure du fragile équilibre économique fondé sur l’agriculture. Dans le pays bigouden, les plus pauvres se tournent vers les ressources de la mer, en Ile et Vilaine vers les emplois qu’offre la petite ville : cantonnier, domestique. 

Les Dupont/Lebaux sont plus mobiles sur l'ensemble du territoire au XIXème siècle mais aussi plus pauvres, ne possédant rien, pas même leur mobilier. 


Les revenus des terres étant souvent insuffisants pour faire vivre la famille,  les hommes ont développé une deuxième activité: tailleur de pierre, filassier, tisserand par exemple. 

Un seul chef de famille à la Basse Epine est uniquement cultivateur, sans doute gagne-t-il suffisamment pour vivre.


Les garçons et surtout les filles quittent la famille afin d’être domestiques chez des agriculteurs plus riches ou chez des notables de Combourg: Aimée Labbé employée chez le notaire maître Brugalé  ou l’oncle Désiré, en 1866,  domestique chez Fontaine Victor qui a une grosse ferme à Balanson avec deux autres domestiques, ou bien, Léonie, la mère d’Emile, placée dès 12 ans chez l’instituteur. 


Les générations suivantes, mieux éduquées et dotées du certificat d’étude,  apprendront un métier, Léonie couturière ou Emile à la pharmacie. 


https://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/IA35017461

La Basse Epine aujourd'hui



jeudi 23 mai 2024

Les parents

 

Julien Marie Joseph Lefrançois 

Emile est né le 10 juillet 1892 à Combourg, chef lieu de canton, dans l’arrondissement de Saint-Malo, département de l’Ile et Vilaine, fils de Julien Marie Joseph Lefrançois et de Aimée Jeanne Marie Labbé. 


Mes arrière-grands-parents se sont  mariés le 3 juillet 1888 à Combourg. Une fois veuf, en 1917, l’arrière grand-père, alors âgé de 60 ans, se remarie le 27 juillet 1920 avec Amélie Françoise Corbes 38 ans, (1882-1964) qui lui survivra longtemps après sa mort. Le couple n’a pas d’enfant. 


Lefrançois Julien Marie Joseph est né en 1860 à Combourg, probablement à la Basse Epine, un écart sur la route de Meillac à l’extrême ouest de la commune. 


A son  mariage, il a  28 ans.  Il est tailleur de pierre. Il est le premier de la famille à ne pas être cultivateur. 

Julien n’a pas gardé les terres et la maison que la famille possédait à la Basse Epine. Elles  ont pu être  cédées à un frère qui, lui, serait resté cultivateur. Ce dernier selon la règle en cours en centre Bretagne dédommage (plus ou moins  bien ) ses frères et soeurs qui disposent alors d’un petit pécule. Or Julien en 1888 n’a plus qu’un frère, Joseph, et deux soeurs, Anne et Marie, toujours vivants. Sa mère vit seule à la Basse Epine, à son décès en 1893, la succession revient à ses enfants.

Le Frère, Joseph, est effectivement laboureur en 1894 lors de son mariage avec Marie Françoise Joseph Quérard cultivatrice.  Pourtant plus jeune que Julien, il ne sait ni lire ni écrire! Joseph ne reste pas à la Basse Epine, il rejoint le Hélan, ferme de son épouse entre les routes de Meillac et de la Chapelle aux Fitzméens, plus au sud. De nombreux  Quérard  y vivent,  il sont cultivateurs ou charpentiers. 


En 1896, la Basse épine n’apparaît pas au recensement comme si personne n’y habitait! En 1911, des Lefrançois y vivent à nouveau, Pierre (né en 1851) puis Désiré l’oncle (né 1834).



Julien habite  Combourg où il est cantonnier, donc employé par l’état. Très petit fonctionnaire il est mal payé, il ne gagne pas plus qu’un journalier mais il jouira d’une retraite (mise en place depuis 1853). Pour la famille, c’est le début d’une lente ascension sociale. 


Son épouse Aimée Jeanne Marie Labbé est ménagère, elle est née le 13 mars 1850, aux Chalonges, écart au nord de Combourg. Elle a 38 ans, donc 10 ans de plus que son futur époux. Elle n’est ni veuve ni séparée au moment du mariage. 

Elle est la fille de Julien Labbé, tailleur, et de Jeanne Rozé demeurant à la Saudrais. 


Aimée et Julien se rencontrent probablement à Combourg, elle est domestique chez le notaire, maître Brugalé où elle habite.

Le mariage est célébré par Gervais Parent, maire officier de l’état civil de la ville, le père du futur patron d’Emile.  

En se mariant, ils s’installent ensemble en ville, probablement dans le quartier de l’abbaye. Afin de préserver le faible patrimoine dont chacun dispose, ils  signent un contrat de mariage auprès de maître Brugalé notaire, le 1 Juillet 1888. 

L’âge tardif au mariage des futurs peut expliquer qu’un contrat soit signé. 

Cependant si Aimée dispose de quelques économies, compte tenu de son âge, ses parents sont pauvres. Le père, Julien Labbé, tailleur, ainsi que son épouse Anne Marie Rozé, ménagère, résidant à la Saudrais, sont présents au mariage. Le père, Julien, meurt en 1892 et l’inventaire après décès se solde par un certificat d’indigence daté du 2 mai 1893. La succession de son épouse Anne marie Rozé, qui décède en mars 1889 fait également l’objet d’un certificat d’indigence daté du 4 avril 1890. 

La mère de l’époux demeurant à la Basse Epine, cultivatrice, Françoise Couvert est également présente.

Les autres témoins assistant au mariage vivent à Combourg ce qui signale une sociabilité urbaine. Julien fréquente les artisans: Julien Malvin, charron âgé de 51 ans, Pierre Lagrue, forgeron 35 ans, ces amis n’ont aucun lien de parenté avec les mariés. Le dernier témoin est Désiré Lefrançois, cultivateur demeurant au Mée en Combourg, oncle de l’époux. 

L’oncle signe mal, d’une écriture malhabile,  Aimée également, mais le marié et les autres témoins restent fermes dans leur paraphe, le notaire se distingue en enrobant sa signature de  boucles impressionnantes.  Les membres de la génération précédente, les parents vivants,  ne savent pas signer!


https://archives-en-ligne.ille-et-vilaine.fr/thot_internet/ark:/49933/tht2v6wws3pc/235896/



Une fille, Louise Julienne Marie Joseph,  naît le 2 juillet 1890 à Combourg (elle meurt à Rennes le 2 mai 1941).

Emile naît deux ans plus tard, il n’y aura pas d’autres enfants. L’épouse est trop âgée, le mari a peut-être une semence qui se fait plus rare. 


Le père présente l’enfant de sexe masculin, « né en sa demeure le 10 juillet 1892 à deux heures du matin » , de son épouse Aimée Jeanne Marie Labbé ménagère âgée de 42 ans. L’enfant est prénommé Emile Julien. 

Le père va  à la mairie accompagné de deux témoins Joseph Salmon cordonnier et Eugène Brohan horloger (tous les deux âgés de 34 ans et demeurant également à Combourg, rue Notre Dame). 

Au début du XXème siècle, sur une carte postale on aperçoit la boutique du marchand de chaussures, Salmon qui est aussi cordonnier. 

Tous signent l’acte sur le registre d’état civil, mon arrière grand-père d’une belle et grande écriture bien ferme.  


AD Ile et Vilaine, la rue des Halles et la boutique de chaussures du cordonnier Salmon. 


La Mée où réside Désiré Lefrançois (https://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/IA35017458)



La Saudrais où vivent les parents d’Aimée Labbé (https://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/IA35017323)












mardi 30 avril 2024

Emile 1.




Emile arrive à Saint-Lô dans la Manche, en Normandie, le 17 mars 1909 pour un premier emploi « d’élève professionnel » dans la pharmacie Hebert rue Thiers. 

Il a 17 ans. 

Il commence son premier carnet de comptes le 19 mars et le termine le 11 octobre 1928, 19 ans plus tard à 36 ans. Symboliquement, en notant toutes ses dépenses, il entre dans l’âge adulte, puisque, quel que soit le pays, être adulte est le fait de subvenir à ses propres besoins et d’être autonome financièrement.


Ce premier carnet est  brun, de la marque STU, avec une feuille de chêne imprimée sur le coté droit dans le coin en haut, la reliure est renforcée par un bandeau collant noir devenu bronze avec le temps. Il mesure 9,5 cm x 15 cm et est donc d’un usage facile. Les feuilles à petits carreaux permettent de tracer un alignement, elles ont jauni  et sont piquées de tâches brunes mais l’écriture serrée est lisible, l’encre n’a guère pâli.


Il procède à une mise en ordre de sa vie en quatre colonnes: 

la date: le jour et le mois

l’objet de la dépense et les quantités

la colonne : utile et  coût

la colonne : superflu et coût

au bas de la page la somme totale de chaque colonne et son report en haut de la page suivante


Il note absolument toutes ses dépenses, probablement chaque soir afin de ne rien oublier. Souvent ces écrits ne sont pas conservés ou sont illisibles. Les comptes d’Emile ne comportent aucune rature, ils sont extrêmement  bien tenus comme la bonne gestion de la maisonnée. 

Le deuxième carnet d’un format plus grand  (17 cmx10,5 cm) est tenu pendant 42 ans, il commence en octobre 1928 et se termine en 1970,  il a 78 ans. Le superflu disparaît ou se confond avec l’utile « majoritaire » .


La vie de mon grand-père se résume à 61 ans de comptes précis, uniquement des dépenses! Les lignes de comptes suivent les lignes biographiques. Les carnets enregistrent les moindres faits et gestes de faible intensité, ils construisent l’état d’un individu et d’un foyer. 

De rares fois, Emile a noté des évènements majeurs de son existence par exemple  « la fuite de Thorigny » ou le bilan, en quelques mots, de ses années de guerre. 


Tout ayant un coût, cette vie se lit en filigrane dans les comptes. 


Quelle est donc le quotidien d’Emile à la Belle Epoque, jeune homme exilé dans la Manche? 



vendredi 26 avril 2024

Le nom sur le mur Hervé Le Tellier

 J'ai lu le nom sur le mur d'Hervé Le Tellier, Gallimard, 2024, 166p. 



Pas très épais, pile poil mon fond de commerce -la seconde guerre mondiale- mais côté Résistance, pour changer! 

Je n'ai jamais lu d'autres livres de cet auteur et l'Anomalie ne m'avait guère tentée. Je me suis dit que pour me donner le goût de cet écrivain, mieux valait peut-être commencer petit ...

Las! Las! Las! Ce livre est un livre de feignant, une commande afin de ne pas perdre la main? Le récit d'une conversation au bar du coin, sur le zing entre deux verres de petit blanc et des cacahuètes ou un petit café bien serré? Un article écrit vite fait, façon "je vais vous dire ce que je pense sur le monde qui va"? 

Un fourre-tout, sûrement. 

L'auteur convoque l'histoire, il a raison, il peut ainsi multiplier les pages et le blabla, tout y passe : le cinéma, la Shoah, les bals, les amours, les gars du coin et leurs petites amies, la guerre aussi, du nord au sud, en Europe et dans le monde, 39-45 et pourquoi pas aujourd'hui. 

Sauf que ce n'est pas un livre d'histoire, l'auteur s'excuse d'emblée de s'être peut-être trompé, ou de n'avoir pas été assez précis. 

Ce n'est même pas intéressant. 

Le récit est truffé d'hypothèses, d'opinions personnelles dont on se contrefiche. 

Je suis cruelle, sans doute, chez Babelio les premiers critiques adorent! 

Je regrette mes 19,80 euros. J'aurais dû me méfier de l'entrefilet du monde gentil, trop gentil. 

Ce n'est pas  un roman où l'auteur se dévoilerait, ce n'est rien qu'un livre de paresseux que je vais essayer de revendre au bouquiniste de la rue de la gare. J'y suis passée hier, il a une quantité astronomique de livres récents, littéralement bradés à moins de 10 euros, neufs dont les gens se sont débarrassés vite fait! On se demande même s'ils ont été feuilletés.  

mardi 19 mars 2024

Un si joli cimetière

 J'adore les cimetières! 

Ne me demandez pas pourquoi! J'aime m'y promener, lire les noms sur les croix, ou les dalles, en connaître l'histoire, déambuler entre les tombes, repérer les plus belles ou les plus originales, me recueillir sur celles de mes ancêtres ou des gens que j'ai connus et aimés ...Une vingtaine de billets de mon blog évoquent les cimetières, cinq y sont entièrement consacrés, ceux de  Naples, Bonnifacio, Saint-Malo, Paris, Plélan-Le-Grand, Douarnenez...

Vous dire quel est le plus beau cimetière que j'ai visité? J'en serais bien incapable! Je les aime tous. Même le plus laid réserve des surprises. Quoique! 

Je me souvenais d'un cimetière particulièrement émouvant aux ifs majestueux qui lui donnaient ses airs de noblesse. Il se voyait de loin sur la plaine poitevine immense et désolée! Le cimetière était le seul endroit charmant et romantique de ce  village moche (mais moche moche). 



J'y suis passée dimanche et quelle ne fut pas ma déception de ne plus y voir les cyprès, abattus probablement par la commune qui devait les trouver dangereux! Les morts ne lui disent pas merci. 

Le cimetière n'a plus de charme, il n'est même plus entretenu! On y laisse pousser les mauvaises herbes qui parfois pourraient l'égayer! Le mur d'enceinte est lépreux, fait de fibres-ciments des années 50. Je n'aimerais pas y être enterrée. 

J'ai ressenti une vraie trahison à l'égard de ceux qui sont là depuis si longtemps et qui avaient rêvé de reposer à l'ombre de ces arbres  magnifiques. Tout m'a semblé foutraque, abandonné, désordonné, aussi laid que le village aux rues tristes soulignées de trottoirs antiques et défoncés. 


jeudi 25 janvier 2024

Des goûts et des dégoûts



Je viens de lire avec plaisir et étonnement les souvenirs d'un prisonnier de guerre allemand, Johannes Sticker, qui a vécu dans les fermes près de Combourg entre 1945 et 1947. Il raconte sa captivité dans un ouvrage publié en français en 2005. Cet ouvrage s'appuie sur une première rédaction en allemand datant de 1977 dont personne n'a voulue dans son pays afin de "ne pas nuire aux relations franco-allemandes". Le sujet ne devait guère emballer les éditeurs! 

Ecrit 30 ans après les évènements, ce récit est délesté des regrets et des récriminations d'autant que l'auteur a bien réussi sa vie et que visiblement, il ne voit pas ses deux années de captivité comme une perte de temps! 

Le style est riche, parfois trop, mais l'ouvrage est également conçu comme un récit ethnographique, une description détaillée des moeurs et coutumes des paysans bretons du nord de Rennes. 

Il s'agit du pays d'origine de mes grands-parents maternels: Combourg, Meillac, la Chapelle-aux-Fitzmeens, Dingé, Tréméheuc. Les exploitations agricoles, aujourd'hui résidences secondaires, gîtes ruraux ou logements, existent toujours, leurs plans sont à peine remaniés et les noms toujours d'actualité, les Gâts où va vivre Johannes (commune de Meillac), les chênes-févriers, la Basse-épine, La Haye, hameaux de plusieurs fermes où de nombreuses familles, métayers ou fermiers, oeuvraient depuis des siècles sans que rien ne change vraiment: la terre battue, la cheminée immense, la soue à cochons, l'étable et son purin, le bocage, les taillis.  

Le prisonnier Johannes Sticker est employé quelques mois dans deux fermes où il partage la vie de misère des paysans. Dans la première, elle est particulièrement dure mais commune au père, à la mère et au fils qui reçoit des torgnoles sans raison, il lui est réservé les travaux les plus difficiles qu'il faut apprendre auprès d'un rustre qui peine à s'expliquer en gallo/patois. C'est la crasse qui lui pèse le plus et c'est en haillons, sans chaussures et galeux qu'il change de ferme au bout de quelques mois afin de travailler pour un paysan plus riche et moins obtus. Il les quitte en larmes en 1947 et revient  dans les années 50 les visiter avec son épouse. 

De chapitre en chapitre il égrène les différentes tâches qu'il doit accomplir avec le paysan. Il décrit par le menu, les labours, la moisson, le travail du cardage réalisé par l'épouse, l'émondage des chênes sur les talus, l'arrachage des pieds de betteraves, la fabrication du cidre, les repas, le vêlage.  Rien n'échappe à son analyse! 

Un mot clé me semble essentiel dans ce récit, c'est CIDRE! Ils ne boivent que du cidre, l'eau n'est pas potable, ils ingurgitent du cidre en quantité, matin midi et soir, en toutes circonstances! 

Le deuxième aspect qui m'a frappé, c'est qu'après les deux mois de camps où il souffre réellement de la faim, il a toujours mangé à satiété et s'est globalement régalé: beurre, pain, soupe, pâtés, cochon, pommes! Par contre, voir ses hôtes tremper leur pain au petit déjeuner dans le café/chicoré lui a toujours répugné au point d'en avoir des hauts-le-coeur! Il ne supportait pas de voir  le beurre en flaque à la surface du bol, le gras en îlots et la mie imbibée. 

Je me suis alors souvenue que cette répugnance à l'égard de cette habitude était générale en Allemagne. Dans les années 70, lors de mon long séjour  dans la Ruhr, j'avais été choquée par la description que mes amis faisaient des Français trempant leur pain dans le café au lait! Ils m'avaient expliqué que seuls chez eux les vieillards édentés devaient se résoudre à cette ignominie qui les faisait vomir! 

Enfin les paysans sont toujours surpris quand ils voient Jean se laver tout nu, dans la bassine d'eau froide, des pieds à la tête, eux qui effleurent à peine la peau du visage et se rincent vite fait les mains! Concernant l'hygiène générale, je ne m'étendrais pas sur  l'absence de ouatères, la nature étant assez généreuse pour accueillir tous les besoins, nettoyée le plus souvent par les chiens et les renards ;  les paysannes pissant debout le dos au mur, ou accroupies autour du pique-nique pendant les moissons. Nous, femmes,  avons très vite perdu cette habitude alors que nos congénères masculins s'adonnent encore volontiers à ces coutumes libératoires dans n'importe coin de maisons, le long des arbres ou au dessus des fossés. 

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...