vendredi 26 avril 2024

Le nom sur le mur Hervé Le Tellier

 J'ai lu le nom sur le mur d'Hervé Le Tellier, Gallimard, 2024, 166p. 



Pas très épais, pile poil mon fond de commerce -la seconde guerre mondiale- mais côté Résistance, pour changer! 

Je n'ai jamais lu d'autres livres de cet auteur et l'Anomalie ne m'avait guère tentée. Je me suis dit que pour me donner le goût de cet écrivain, mieux valait peut-être commencer petit ...

Las! Las! Las! Ce livre est un livre de feignant, une commande afin de ne pas perdre la main? Le récit d'une conversation au bar du coin, sur le zing entre deux verres de petit blanc et des cacahuètes ou un petit café bien serré? Un article écrit vite fait, façon "je vais vous dire ce que je pense sur le monde qui va"? 

Un fourre-tout, sûrement. 

L'auteur convoque l'histoire, il a raison, il peut ainsi multiplier les pages et le blabla, tout y passe : le cinéma, la Shoah, les bals, les amours, les gars du coin et leurs petites amies, la guerre aussi, du nord au sud, en Europe et dans le monde, 39-45 et pourquoi pas aujourd'hui. 

Sauf que ce n'est pas un livre d'histoire, l'auteur s'excuse d'emblée de s'être peut-être trompé, ou de n'avoir pas été assez précis. 

Ce n'est même pas intéressant. 

Le récit est truffé d'hypothèses, d'opinions personnelles dont on se contrefiche. 

Je suis cruelle, sans doute, chez Babelio les premiers critiques adorent! 

Je regrette mes 19,80 euros. J'aurais dû me méfier de l'entrefilet du monde gentil, trop gentil. 

Ce n'est pas  un roman où l'auteur se dévoilerait, ce n'est rien qu'un livre de paresseux que je vais essayer de revendre au bouquiniste de la rue de la gare. J'y suis passée hier, il a une quantité astronomique de livres récents, littéralement bradés à moins de 10 euros, neufs dont les gens se sont débarrassés vite fait! On se demande même s'ils ont été feuilletés.  

mardi 19 mars 2024

Un si joli cimetière

 J'adore les cimetières! 

Ne me demandez pas pourquoi! J'aime m'y promener, lire les noms sur les croix, ou les dalles, en connaître l'histoire, déambuler entre les tombes, repérer les plus belles ou les plus originales, me recueillir sur celles de mes ancêtres ou des gens que j'ai connus et aimés ...Une vingtaine de billets de mon blog évoquent les cimetières, cinq y sont entièrement consacrés, ceux de  Naples, Bonnifacio, Saint-Malo, Paris, Plélan-Le-Grand, Douarnenez...

Vous dire quel est le plus beau cimetière que j'ai visité? J'en serais bien incapable! Je les aime tous. Même le plus laid réserve des surprises. Quoique! 

Je me souvenais d'un cimetière particulièrement émouvant aux ifs majestueux qui lui donnaient ses airs de noblesse. Il se voyait de loin sur la plaine poitevine immense et désolée! Le cimetière était le seul endroit charmant et romantique de ce  village moche (mais moche moche). 



J'y suis passée dimanche et quelle ne fut pas ma déception de ne plus y voir les cyprès, abattus probablement par la commune qui devait les trouver dangereux! Les morts ne lui disent pas merci. 

Le cimetière n'a plus de charme, il n'est même plus entretenu! On y laisse pousser les mauvaises herbes qui parfois pourraient l'égayer! Le mur d'enceinte est lépreux, fait de fibres-ciments des années 50. Je n'aimerais pas y être enterrée. 

J'ai ressenti une vraie trahison à l'égard de ceux qui sont là depuis si longtemps et qui avaient rêvé de reposer à l'ombre de ces arbres  magnifiques. Tout m'a semblé foutraque, abandonné, désordonné, aussi laid que le village aux rues tristes soulignées de trottoirs antiques et défoncés. 


jeudi 25 janvier 2024

Des goûts et des dégoûts



Je viens de lire avec plaisir et étonnement les souvenirs d'un prisonnier de guerre allemand, Johannes Sticker, qui a vécu dans les fermes près de Combourg entre 1945 et 1947. Il raconte sa captivité dans un ouvrage publié en français en 2005. Cet ouvrage s'appuie sur une première rédaction en allemand datant de 1977 dont personne n'a voulue dans son pays afin de "ne pas nuire aux relations franco-allemandes". Le sujet ne devait guère emballer les éditeurs! 

Ecrit 30 ans après les évènements, ce récit est délesté des regrets et des récriminations d'autant que l'auteur a bien réussi sa vie et que visiblement, il ne voit pas ses deux années de captivité comme une perte de temps! 

Le style est riche, parfois trop, mais l'ouvrage est également conçu comme un récit ethnographique, une description détaillée des moeurs et coutumes des paysans bretons du nord de Rennes. 

Il s'agit du pays d'origine de mes grands-parents maternels: Combourg, Meillac, la Chapelle-aux-Fitzmeens, Dingé, Tréméheuc. Les exploitations agricoles, aujourd'hui résidences secondaires, gîtes ruraux ou logements, existent toujours, leurs plans sont à peine remaniés et les noms toujours d'actualité, les Gâts où va vivre Johannes (commune de Meillac), les chênes-févriers, la Basse-épine, La Haye, hameaux de plusieurs fermes où de nombreuses familles, métayers ou fermiers, oeuvraient depuis des siècles sans que rien ne change vraiment: la terre battue, la cheminée immense, la soue à cochons, l'étable et son purin, le bocage, les taillis.  

Le prisonnier Johannes Sticker est employé quelques mois dans deux fermes où il partage la vie de misère des paysans. Dans la première, elle est particulièrement dure mais commune au père, à la mère et au fils qui reçoit des torgnoles sans raison, il lui est réservé les travaux les plus difficiles qu'il faut apprendre auprès d'un rustre qui peine à s'expliquer en gallo/patois. C'est la crasse qui lui pèse le plus et c'est en haillons, sans chaussures et galeux qu'il change de ferme au bout de quelques mois afin de travailler pour un paysan plus riche et moins obtus. Il les quitte en larmes en 1947 et revient  dans les années 50 les visiter avec son épouse. 

De chapitre en chapitre il égrène les différentes tâches qu'il doit accomplir avec le paysan. Il décrit par le menu, les labours, la moisson, le travail du cardage réalisé par l'épouse, l'émondage des chênes sur les talus, l'arrachage des pieds de betteraves, la fabrication du cidre, les repas, le vêlage.  Rien n'échappe à son analyse! 

Un mot clé me semble essentiel dans ce récit, c'est CIDRE! Ils ne boivent que du cidre, l'eau n'est pas potable, ils ingurgitent du cidre en quantité, matin midi et soir, en toutes circonstances! 

Le deuxième aspect qui m'a frappé, c'est qu'après les deux mois de camps où il souffre réellement de la faim, il a toujours mangé à satiété et s'est globalement régalé: beurre, pain, soupe, pâtés, cochon, pommes! Par contre, voir ses hôtes tremper leur pain au petit déjeuner dans le café/chicoré lui a toujours répugné au point d'en avoir des hauts-le-coeur! Il ne supportait pas de voir  le beurre en flaque à la surface du bol, le gras en îlots et la mie imbibée. 

Je me suis alors souvenue que cette répugnance à l'égard de cette habitude était générale en Allemagne. Dans les années 70, lors de mon long séjour  dans la Ruhr, j'avais été choquée par la description que mes amis faisaient des Français trempant leur pain dans le café au lait! Ils m'avaient expliqué que seuls chez eux les vieillards édentés devaient se résoudre à cette ignominie qui les faisait vomir! 

Enfin les paysans sont toujours surpris quand ils voient Jean se laver tout nu, dans la bassine d'eau froide, des pieds à la tête, eux qui effleurent à peine la peau du visage et se rincent vite fait les mains! Concernant l'hygiène générale, je ne m'étendrais pas sur  l'absence de ouatères, la nature étant assez généreuse pour accueillir tous les besoins, nettoyée le plus souvent par les chiens et les renards ;  les paysannes pissant debout le dos au mur, ou accroupies autour du pique-nique pendant les moissons. Nous, femmes,  avons très vite perdu cette habitude alors que nos congénères masculins s'adonnent encore volontiers à ces coutumes libératoires dans n'importe coin de maisons, le long des arbres ou au dessus des fossés. 

mardi 23 janvier 2024

Fabriquer une femme de Marie Darrieussecq





Le coeur qui bat, l'angoisse sourde à portée de main, le livre de Marie Darrieussecq, fabriquer une femme,  ne me laisse pas indifférente! L'écriture est ciselée,  rien ne manque et rien de trop! A tel point qu'il faudrait relire le livre dans la foulée, plus lentement afin de s'appesantir sur la mine d'informations qu'il contient. 

Il s'agit bien de fabriquer une femme mais le roman est d'une telle subtilité que j'ai eu du mal à y lire le mode d'emploi, j'ai été plongée dans mon adolescence quand bien même Rose et Solange soient d'une génération plus jeunes! 

L'autrice décrit le tournant des années 80-90, sans gros sabots et de manière réaliste ce qui est la grande réussite du livre! Il est construit d'un seul bloc, sans chapitre, rythmé par les évènements et les points de vue des deux héroïnes: selon Rose, selon Solange et ensemble.  

Je ne peux pas mieux dire que la critique du MondeTrois décennies plus tard, le lecteur referme le livre, éberlué par l’intelligence et l’inventivité narrative de Marie Darrieussecq. Et par tout ce qu’elle a réussi à glisser dans ce double roman d’apprentissage qui adapte remarquablement son rythme à la trajectoire de chacune, inscrit leurs histoires dans les mouvements collectifs (sociétaux, politiques, musicaux…) qu’elles traversent, interroge la fabrication du masculin autant que celle du féminin, le rôle des déterminismes autant que celui du hasard. C’est brillant, juste, d’une finesse capable de mélanger précision, douceur et ironie." (Raphaelle Leyris 11 janvier 2024)   


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