mardi 23 mars 2021

Mes années chinoises Annette Wiervorka

 Je recommande la lecture du livre d'Annette Wiervorka, mes années chinoises, Stock 2021, 257 pages, collection puissance des femmes. 



L'auteur raconte son séjour en Chine de 1974 à 1976, ce qui l'a conduit là-bas et les conséquences de cette expérience. 

Je ne comprends pas bien  le pourquoi de la collection de Laure Adler, ni  en quoi l'ouvrage d'Annette Wiervorka y trouve une place, mais je salue la qualité de la publication, papiers, impressions et couvertures. 

Pourquoi j'ai aimé ? 

Le récit est subtil, il raconte avec pudeur la vie, les idées politiques  d'une jeune femme qui a 20 ans en 68 à Paris, et l'histoire des jeunes maoïstes engagés dans le combat politique. 

Cependant on y cherche comment des jeunes gens, intelligents, éduqués, aient pu accepter sans esprit critique cette idéologie totalitaire? Comment,  une fois installés en Chine, surveillés, contrôlés, encadrés, limités dans leur déplacement, "enfermés dans leur hôtel, dans leur maisonnette", suivis en permanence par leur traducteur, manipulés, contraints à écouter pendant des heures des discours en langue de bois, spectateurs de la misère, acceptant que leur enfant de 5 ans soit embrigadé, aient pu supporter cette vie aussi longtemps? Quel processus psychologique est-il en oeuvre dans cette aliénation? 

J'ai dévoré ce livre, relu certains passages mais je me suis perdue un peu dans les dates qui concernent pourtant un temps très court de la vie de l'auteur,  en gros de 1968 à 1976. Que dire alors des lecteurs qui ignorent tout de l'histoire chinoise au XXème siècle! 

Il y a quelques années, j'avais dévoré toute la littérature chinoise à ma portée, j'étais particulièrement fascinée par les romans concernant le grand bond en avant ou la révolution culturelle (Balzac et la petite tailleuse chinoise de Daï Sijie et son plus récent l'évangile selon Yong Chen), cherchant ce qui avait pu les aider à tenir. Annette Wiervorka m'a donné envie de poursuivre ma recherche et de lire les nombreux auteurs qu'elle évoque. 

Enfin il ne faut pas perdre de vue qu'Annette Wiervorka est devenue, après cette expérience qu'elle a longtemps gardée enfouie, une très grande spécialiste de la Shoah. Elle appartient à la génération née après, et l'expérience chinoise totalitaire, dépassée au retour et oubliée, aurait mérité un dévoilement psychologique plus approfondi afin que l'on puisse comprendre cet engagement absurde. 

lundi 8 mars 2021

Bernard G. professeur!

Bernard est mort, j’aimais bien ce type! 

Quand j'ai vu son nom dans la rubrique des obsèques du Ouest-France, j'ai immédiatement pensé au théâtre de la Huchette qu'il m’a fait découvrir et à son humour très doux, étayé par un rire éclatant. 

Avec lui, j'ai organisé mon premier voyage scolaire à Paris dans mon lycée breton, avec des élèves très attachés à leur rocher, façon berniques. On était allé voir La leçon d'Eugène Ionesco, qui le faisait beaucoup rire, spectacle qui fut une révélation pour moi. 

J'ai toujours admiré sa constance. Il se levait très tôt le matin, pour venir au bahut, après une bonne heure de trajet! Il passait beaucoup de temps à corriger des copies disant que c’était l’essence et l’essentiel de son métier si on voulait que les élèves progressent. 

Bernard était réellement toujours d’égale humeur, sans un mot plus haut que l’autre, consensuel, liant, apaisant. Il ne manquait aucune récréation où il arrivait le sourire aux lèvres. Il avait un côté vieux beau, ancien jeune premier, il conservait une  mèche grise qui lui balayait le front. 

Je me souviens d'un discours d’adieu hilarant pour un professeur de lettres classiques, dans un sabir mêlé de mots grecs et latins, un délice d’humour. 

Bref, il faisait partie de la clique des vieux professeurs hommes bourrus et impolis que j’ai connus en arrivant au lycée et assurément il était le moins sexiste. Les autres ne me disaient pas bonjour, ils se sont réveillés à la lecture de mon grade! 

Il fumait beaucoup, à cette époque où c’était encore permis de tirer sur sa clope en cours ou en salle des profs, de la vieille clope brune, puante, qui jaunissait les doigts et les dents, je me demande s’il ne puait pas un peu du bec ? En tout cas j’étais fascinée par se dents pourries et jaunies qui entâchaient grandement le charme qu'il avait dû afficher dans sa jeunesse. Je me demandais comment il pouvait supporter cette image, persuadée que la mutuelle de l’éducation nationale réparait sans compter les ratiches des profs afin qu’ils offrent à leur public un sourire du plus bel effet. 

Je pense qu’il est parti en retraite, malade et fatigué … Il meurt jeune, 77 ans . 

Je ne sais pas vers qui me tourner pour partager ma peine bien que je ne l’ai vraiment jamais fréquenté en dehors du lycée . Sa mort me rappelle à quel point, passé un certain âge notre existence devient fragile, la machine se déglingue. 
Amis lecteurs (qui êtes peu nombreux), n’attendez pas la retraite pour faire ce que vous voulez, profitez-en tout de suite! Après 60 ans, c’est le début de la fin! 


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