jeudi 18 février 2021

Garçon manqué

Etre un garçon manqué est une qualification qui m'a toujours interpellée. Petite, j'en tirai une certaine fierté me permettant d'accepter mes cheveux ultra courts. 

Ma mère m'avait elle fait couper les cheveux parce que j'étais un garçon manqué

Collection personnelle




C'est ce que j'aimais penser mais je savais bien, qu'au fond, elle ne supportait plus de me coiffer. Mes cheveux frisaient finement, chaque matin, les démêler était une torture à laquelle elle s'attelait avec énervement. Elle utilisait un peigne très fin, le sien, je hurlais tellement elle me faisait mal, et hurler en principe, il n'en était pas question!  Elle me houspillait et continuait de plus belle!  Elle coiffait et réalisait un  chignon sur le dessus du crâne. Elle  maintenait avec une multitude d'épingles, un truc façon boudin qui devait tenir la journée ... Je sens encore la pression des épingles qui rapaient le cuir chevelu. 

Elle n'arrivait pas vraiment à enlever les noeuds  qu'elle appelait joliment "nids de souris". Ils se formaient dans le bas du crâne pendant la nuit, de temps en temps elle les coupait aux ciseaux. J'ai donc longtemps cru que la souris ne se contentait pas de venir chercher les dents (rituel qui a vite agacé ma mère) mais qu'elle profitait de la nuit pour s'installer, peinarde, dans mes cheveux. Pourtant je trouvais ridicule la boule de poils que ma mère exhibait façon trophée et me demandait bien comment la bestiole avait pu en faire un nid!  

Un matin, je suis sortie de chez le coiffeur la boule à zéro, enfin presque, avec 1cm sur le caillou pas plus.  Je ne me souviens ni du coiffeur et ni de la coupe! Uniquement de l'après! J'ai le vague souvenir d'avoir eu froid à la tête, de la sentir légère et nue. Je venais aussi de perdre 5 centimètres de chignon, et le surnom "bout de zan" dont ma mère m'affublait, n'en était que plus vrai. Moi brune et petite, mon frère blond et aussi grand que moi alors qu'il avait 3 ans de moins! C'était raide! 

J'avais tout du garçon manqué comme le disait ma mère mais je ne voyais vraiment pas ce que j'avais manqué, ces deux mots moches, obscurs et crétins me rabaissaient, parce qu'être un garçon c'était chouette visiblement, mais toute de suite après, le mot "manqué" me ramenait à pire que ma condition de fille! Je n'étais plus une fille, et même pas un garçon! Rien! 

Je comprenais bien que je me comportais comme un garçon, culottes courtes et course poursuite dans la campagne, grimper aux arbres, se balancer très haut, jouer aux cow-boys et être Zorro mais manqué en quoi? Raté? 

Raté? Un peu puisqu'aux dires de ma mère, je n'aurais pas dû naître, mon père ne voulait pas d'enfants, et en plus j'étais une fille, pas de bol! De fille, il y avait déjà ma cousine avec laquelle mon père avait jouée lorsqu'elle était petite ... Je constatais qu'il ne jouait pas avec moi, j'avais bien manqué le coche! Doublement après la naissance de mon frère puisque lui, désiré, était un vrai garçon! 

Bref, dans ma tête tout cela était bien confus, je pense me souvenir que je trouvais l'expression inutile, à dire vrai, puisque je me sentais "moi",  ni fille ni garçon puisque je ne voyais pas encore, en habitant à la campagne, ce qu'il pouvait y avoir d'avantages à être un garçon. Je n'enviais pas vraiment mon frère qui prenait des "volées", drôle de mot pour dire fessées ou volées de coups de martinet! 

Je n'aime pas dire aujourd'hui que j'étais ou qu'on me voyait comme un garçon manqué parce que, même si à l'époque j'en tirai parfois gloire, au fond de moi, il y a ce sentiment de ratage. Certes le dire pourrait souligner que je n'étais pas une chochotte, une fille qui joue à la poupée tranquillement, attifée de robes fragiles, une fille qui ne supporte pas d'aller courir dans les chemins creux, une fille en tout point conforme à l'idée qu'on s'en fait .... Mais j'ai l'impression d'offenser mon sexe, mes soeurs qui n'ont pas eu le choix de leurs jeux et de leur enfance.  


mercredi 10 février 2021

Que faire à Paris en temps de covid?

Que faire à Paris quand les musées, les restaurants, les bars et maintenant le BHV est fermé?


Musarder! Lever le nez! Découvrir de nouveaux quartiers et s'adonner au plaisir de la randonnée. 
J'aime particulièrement le parcours Pont-Neuf, place Dauphine, quai des grands Augustins, Hôtel Dieu, Notre-Dame, Marais par les ruelles et traboules. J'adore pousser la déambulation vers le jardin du Luxembourg, les 6ème, 7ème et 5ème arrondissements, tout particulièrement en semaine lorsque les trottoirs ne sont pas trop encombrés. 


Pour le week-end, j'apprécie toujours autant la découverte des grands cimetières, le Père Lachaise où il est toujours plaisant d'y admirer les tombes. 
Découvrir les joies de marcher dans les bois, en banlieue. J'ai randonné en forêt de Montmorency sur un parcours très roulant, qui offrait de longues pistes forestières,  idéales pour la marche nordique. J'ai traversé Saint-Leu-la-Forêt, joli village, avec l'envie d'y revenir à l'occasion d'une autre balade par grand soleil et journée printanière. 
J'aime aussi le Sentier ou Montmartre, la rue Mouffetard ou le quartier des grands magasins - je n'étais jamais entrée aux galeries Lafayette- , visiter Drouot et se régaler en regardant les ventes de vieux tapis poussiéreux, tripotés par d'antiques amateurs en pantoufles, gros bides et casquettes, maquignons de la fripe et de la brocante, margoulins en tout genre prêts à faire passer n'importe quelle moquette pour un tapis persan, forcément magique, capable de vous faire vivre les mille et une nuits au fond de votre lit. Tout se vend même les vieux papiers, par lot, les photographies de De Gaulle ou du Sacré-Coeur, pâlies par des années de tiroirs; les petites cuillères ou les tasses ébréchées, les manteaux de fourrures et les croutes, les commodes Louis XV et les minuscules bijoux en ivoire en provenance directe de Chine. Des palanquées d'amateurs, catalogue en main, parfois endormis bien au chaud sur les chaises en plastique, attendent la bonne affaire. Il fait bon! Le commissaire priseur entouré de ses acolytes, aidés par les appariteurs habitués aux charges et à la poussière, ne hurle plus mais le rituel semble immuable. Il est possible de suivre à l'extérieur, les mises en enchères et de se faire une idée de combien on pourra tirer des objets entassés dans le  grenier de la grand-mère ou de son propre fatras que l'on a accumulé sans oser jeter. Autant dire une bouchée de pain s'il ne s'agit pas d'un objet estampillé, reconnu, signé ou recherché! Presque tout est vendu ou retiré de la vente si le prix reste indécent. 
A Montmartre, un monde fou se promène au matin, on s'assoit sur les marches du Sacré-Coeur afin de contempler la ville, les parents poussent les enfants en bicyclette à roulettes, ramassent les trottinettes branlantes, quelques fêtards cuvent sur les bancs en fumant un joint, le dernier pour la route! Les expositions sont dans la rue, rassemblement de vieilles voitures ou portraitistes de la place du Tertre.  La promenade se mérite, il faut grimper, arpenter le nez en l'air, toujours épatée de découvrir une maison rose au fond d'une impasse, trois fleurs accrochées au mur, une marchande de légumes en provenance de la ferme, une librairie ou un sexe shop. 


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