mardi 30 janvier 2018

Sacé

Sacé? Vous connaissez?  
La pancarte est d'époque! 

Sacé est un village mayennais situé à une quinzaine de kilomètres de Laval, entre Rennes et Le Mans. J'y ai vécu jusqu'à mes 8 ans, dans le logement de fonction de l'école primaire, 8 ans de folles équipées sur les chemins creux que ma mère nous laissait explorer, sans se préoccuper de ce que je pouvais y faire, jusqu'où je pouvais aller. 
J'ai réalisé à  quel point j'étais petite quand j'ai vu la taille du mur que j'escaladais afin de voler de l'oseille dans le jardin de la voisine. Il fait à peine un mètre de hauteur alors qu'il me semblait immense. J'adorais les brins de fougères qui poussaient à travers les pierres et les mousses toutes douces qui me servaient à nourrir les poupées. (J'ai probablement raté une carrière de cuisinière).
Sacé, c'était ...
Courir. 
Grimper sur les murs ou dans les arbres, dans la tonnelle de lauriers palmes.
Faire du vélo dans la cour de récréation. 
Pédaler autour de la maison à toute berzingue, s'arrêter devant la cave pour terroriser mon frère, s'étonner de voir les topinambours jamais ramassés. 
Bâtir des cabanes avec des vieilles guenilles. Puis, lorsque mon père a délaissé le garage car la DS n'y entrait plus contrairement à la Dauphine, y installer une maison avec des cartons, les dînettes et les poupées, les lits et tout ce qui constituait un intérieur coquet. 
Tirer avec des frondes sur les merles qui nichaient dans le cerisier du voisin.
Ne pas approcher de la lessiveuse qui fumait dans la cour.
Jouer à être Thierry la Fronde (pas moi, j'étais Isabelle) ou Zorro (je n'étais pas Sergent Garcia ni une cruche de la série) ou aux cowboys: j'étais indienne en mocassin avec une robe que j'imaginais en peau. On faisait avec des feuilles de châtaigniers, des bandeaux ornés d'une feuille-plume et des ceintures. 
Galoper en short et en sandalettes tout l'été (même quand il faisait froid ou qu'il pleuvait), en collant  de laine tout l'hiver avec les brodequins.
Rouler un bonhomme de neige.
Faire de la balançoire jusqu'en haut du ciel ou le pendu en trapèze. 
Aller chercher le lait à la ferme.
J'évoquais au cours de gym, le bruit du premier jet sortant du pie de la vache dans le seau en métal, M. a commenté que, m'entendre en parler, lui rappelait le même souvenir. La scène de la traite tous les soirs, contemplée avec fascination, m'a durablement marquée. J'imaginais saisir les pis à pleines mains, sentir la chaleur de la peau, viser le fond du seau, rester en équilibre sur le tabouret. Il faudrait savoir peindre la lumière sur la blancheur du lait, la queue de la vache qui balayait les mouches sur un cul couvert de croutes de bouse, la robe noire et blanche de la bête, celle maculée à carreaux de la fermière en bottes en caoutchouc ou en sabots de bois,  l'odeur du purin qui coulait dans la cour, la chaleur du lait dans le pot qu'on ramenait, il fumait encore un peu l'hiver, le bruit du pavé de verre au fond de la casserole dans laquelle on le faisait bouillir  sur le poêle. 
Le son du couvercle qu'on ouvre d'un coup à l'aide d'un crochet, les bûchettes qu'on y glisse dans les flammes qui sortaient alors comme si elles voulaient attraper les manches de ma mère. 

Sacé n'a guère changé, le village me semble un peu plus replié sur l'église bien au centre. Les façades des maisons sont les mêmes, aveuglées par les volets fermés,  la porte de celles des Blin est toujours verte. L'été, elle était grande ouverte sur l'arrière de l'église, leur fille y jouait du piano et le couple se chauffait au soleil, souvent interpellé par les passants, dont ma mère qui adorait prendre le café avec eux. Ils avaient des boudoirs pour les enfants;  monsieur Blin nous faisait écouter les chants des oiseaux qu'il avait enregistrés tôt le matin. Ancien instituteur il conseillait d'écrire à la manière de ... (Victor Hugo, Balzac ...) et même de recopier des passages afin de s'entraîner à bien rédiger et à obtenir un style. 
L''école est toujours là, quelque peu défigurée par la rampe d'accès à la mairie qu'elle est devenue, mais le préau et le garage n'ont pas changé et ont résisté à l'âge, par contre au delà, le village me semble avoir été éventré jusqu'au cimetière, défiguré par le groupe scolaire et un vilain lotissement sans arbre et sans charme, comme si c'était la seule ouverture à la modernité, moche. 

La campagne aussi est moche, elle n'a même pas le charme de la route du centre Bretagne! 

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