jeudi 19 novembre 2020

Immortelle randonnée (le sentier cathare saison 1 épisode 2)

Immortelle randonnée!  Pris ainsi le titre ne se comprend pas vraiment,  et pourtant, il me fait rêver! C'est pourquoi j'ai relu avec un grand plaisir le récit de Jean-Christophe Rufin concernant son pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle. Je maintiens ma critique commise il y a 6 ans!  



Ginoles



Il n'était pas question pour ma copine (et il ne l'est toujours pas) de faire ce pèlerinage, d'une part elle conchie les religions (toutes) et d'autre part, elle refuse mordicus de se compromettre avec les foules bêlantes qui arpentent ce camino.  

Les punaises de lit du sentier cathare? oui! Celles du chemin de Compostelle, jamais! 

C'est ainsi que nous nous sommes retrouvées dans l'Aude sur un chemin confidentiel et très peu promu par les offices de tourisme des départements qu'il traverse. L'Ariège en fait davantage la promotion, puisque la manne balnéaire ne tombe pas chaque année. Les responsables de l'Aude, au grand dam des propriétaires d'hébergements, se contrefichent un peu des randonneurs qui parcourent l'arrière-pays. Ils se sentent délaissés, au profit de Carcassonne, la Narbonaise, Leucate et Gruissan! Les campagnes se meurent, les villages se vident. La plupart de nos hôtes étaient anglais, danois, russes ou ukrainiens, ou bien jeunes couples en reconversion, à la recherche de terres agricoles sans pesticides et sans engrais, vignerons amoureux du Maury ou des vins d'Agly, convaincus qu'un jour ils séduiront les Parisiens en goguette. Les forêts sont le domaine des sangliers, nourris au sac de maïs, qu'iront tirer, dès le 14 août, vieux et jeunes chasseurs en 4X4! Quelques puristes continuent de pêcher, ils se retrouvent entre hommes, à boire des coups dans l'ombre et l'obscurité bienfaisante d'une masure à peine retapée! "Tiens des marcheuses! " ont-ils braillé en nous voyant passer! Ma compagne ne s'est pas laissée démonter, de son ton bourru et en langage fleuri dont elle est coutumière, franc et couillu, elle les a bien faits rire,  nous étions à deux doigts de pénétrer dans l'antre et de nous attabler devant les bouteilles de blanc et de rouge! Nous aurions entonné de concert, le petit Quinquin ou la petite Huguette! Mais Quirbajou, notre avant-dernière étape nous attendait! Ce magnifique village haut perché est peuplé de néo-ruraux armés pour affronter l'effondrement! Nous y avons vu nos premiers enfants (ou quasi), des fillettes qui jouaient à fabriquer des cabanes entre trois planches de bois! L'Aude est le département des vieux, les très vieux y règnent en maître, traînant la patte entre deux maisons inhabitées ou fermées dès l'automne, sans même connaître les joies du comptoir et du petit vin blanc qu'on se jette dans le gosier pour l'apéritif du matin! (En Dordogne, la désertification et la mort sont en suspens, cf mon prochain billet) 

Exaltée par mon expérience (pas peu fière d'avoir marché 8 jours avec mon sac sur le dos) j'avais envie de relire Rufin afin d'y trouver des similitudes!  A vrai dire,  je n'en ai trouvé aucune ou presque, mais j'ai ri, à nouveau, à lire ce récit, il ne se démode pas, Rufin n'a pas son pareil pour décrire les paysages et ses émotions. 

Contrairement à l'auteur qui enquille près de 800 km à pied, nous avons fait homéopathique, juste l'impression de l'impression. Donc rien à voir! 

Nous n'avons marché que 8 jours, -je n'étais pas seule-, nous n'étions pas en autonomie, nos étapes ne dépassaient pas 20 kilomètres, nous avons dormi et dîné confortablement, il n'y  a personne sur ce chemin ou quasi personne, il n'y a pas de but, le parcours ne vaut que pour les paysages et les quelques châteaux perchés, pas de crédencial à faire signer, pas d'exploit sinon celui de marcher sur un parcours un peu ardu... Comme Rufin, nous n'avons manqué aucune chapelle, ces dernières sont souvent fermées, impossible la plupart du temps de se reposer dans la quiétude et la fraîcheur de leur nef, nous avons visité tous les cimetières, eux, largement ouverts à tout vent mais souvent abandonnés aux herbes folles car peu honorés par les familles, nous avons arpenté toutes les ruelles des villages, goûté à l'eau des fontaines quand elles n'étaient pas le refuge des têtards, glané les noix et les noisettes, nous nous sommes gavées de mûres, nous avons cherché en vain des lacs ou des rivières pour nous baigner, des plages herbues où faire la sieste, des bars où boire la bière rafraichissante du soir après l'effort! 

Parcourir le sentier en septembre est souvent faire l'apprentissage de la solitude.  

Parce que je ne saurais raconter cette expérience, je  recommande la lecture du livre de Rufin qui évite tous les pièges du récit de voyage. 

Cailla

Marsa


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