lundi 2 novembre 2020

Le sentier cathare (saison 1, épisode 1)

Adepte, depuis peu, de la randonnée lente et contemplative, je me suis lancée en septembre pour la longue durée en autonomie sur une partie du sentier cathare. Sensations garanties.

Sentier cathare, pech de Bugarach 


Le sentier cathare s'étire de Port-la-Nouvelle à Foix, 250km. Le GR 37 ou 367 traverse deux départements l'Aude et l'Ariège, une région gigantesque, l'Occitanie.

Il est coutume de débarquer à Port-La-Nouvelle à la gare et de commencer le chemin à partir des  rives de la Méditerranée. Les trois premières étapes conseillées sont très longues entre 26 et 30 km, dans la garrigue, sous le cagnard et les éoliennes, au milieu des vignes de Corbières. Pour qui n'a jamais marché, insolation et ampoules garanties! On a choisi malin, une boucle de 160 km, variante nord puis sud, entre Quillan et Duihlac-sous-Peyrepertuse. Bien nous en a pris! Environs 20km par jour ce qui est pour nous le grand maximum. 


Jour 1. Quillan

Que retenir d'une telle expérience? 
A l'évidence, l'envie de recommencer:  plus long, plus longtemps. Au retour à Quillan j'ai été assaillie par l'idée du manque. Chaque matin, partir seule, à pied, pour 15 à 20 km, loin de tout, est une expérience étrange, le sentiment de n'avoir que son corps pour avancer. Cette sensation est totalement illusoire puisqu'à n'importe quel moment il est possible de prendre une voiture! Le soir de l'étape 1 à Saint-Julia-de-Bec, V. ayant constaté l'oubli de sa liseuse (culture quand tu nous tiens), nous sommes retournées la chercher à Quillan avec notre hôte et son chien dans un 4X4 improbable. 

La quiétude et la solitude. En septembre, on ne rencontre presque personne sur ce chemin assez peu connu: quelques groupes de personnes âgées, menés par des hommes taiseux "autoproclamés chefs", lourdement chargés, bien organisés,  des solitaires heureux de pouvoir faire la causette en cheminant (ou pas), des trailers très pressés et peu aimables, quelques couples dont un étrange qui poussait une sorte de brouette pour les sacs, couvert de la tête au pied de vêtements chauds et noirs sous 30°, des chasseurs le samedi et le dimanche en énormes 4X4 pétaradants ou planqués avec armes et radios sur leur affût surélevé (mirador de  bric et de broc). Ils se préviennent entre eux du passage des randonneurs, qu'il ne faudrait pas tirer comme des sangliers! 

Les paysages sublimes tout le long du chemin ponctué de croix de mission, la découverte des citadelles du vertige aujourd'hui restaurées (plus ou moins): Puilaurens, Peyrepertuse immense vaisseau de pierre. 
 
Près de Saint-Just et le Beau

L'aspect sportif de la randonnée, 160 km et près de 3500 mètres de dénivelé positif, parfois à quatre pattes dans le vent du Pech de Bugarach ou la descente vertigineuse du col d'Auroux vers le pla de Besous.

La traversée des villages quasi déserts, aux maisons fermées collées à leur église trônant au milieu du cimetière, à la mairie arborant fièrement les drapeaux, au lavoir permettant le ravitaillement en eau mais sans bistro, ni boulangerie, ni restaurant. L'Aude semble abandonnée de tous, miséreuse, les compteurs EDF sont cadenassés pour ne pas être pillés. 
Saint-Just et le Bezu


La découverte toujours plaisante des hébergements d'étape, épatante dans la mesure où, hors saison, le voyageur n'a guère le choix: le moulin du Roc à Saint-Julia-de-bec à la réputation crasseuse et douteuse façon "auberge rouge", loin de tout, tenu par des Anglais, deux frères et leur soeur  dont le tee-shirt jaune chiasseux était couvert de tâches et de poil de chèvre.. Chris, charmant, nous a concocté un repas "anglais": une belle entrée originale à base de melon et un plat de magrets de canard racornis car trop cuits, aux fruits de mer Picard, à vomir. Zonait autour du gîte, le beau-frère de Chris, en mode furieux, animé probablement de projets de meurtre,  puisque récemment viré par sa femme Kim (la soeur). Après le commentaire haineux lisible sur booking, Kim  (les deux frères étant quasi impotants) avait vidé au moins deux bouteilles d'eau de Javel  dans les chambres afin de prouver à quel point l'hygiène restait sa préoccupation principale. Elle avait toutefois oublié de rincer la cuvette des WC qui semblait recouverte d'un produit collant, visqueux et suspect mais invisible ..... tadahhhh! Malgré la tonne de poils de chèvre, noirs et drus qui couvraient une partie du plancher, j'ai admiré la mansuétude de V. concernant nos hôtes, sans doute due à leur amour commun pour les  bêtes! Cela dit, ce fut une belle rencontre comme toutes les autres. 
A Bugarach, nous avons été accueillies par Ghislaine (Mamour) et Mario, le couple ayant changé radicalement de vie afin de profiter des bonnes vibrations du pech de Bugarach (1281 m) et de sa fenêtre, récemment nettoyée en août par une palanquée de hippies et d'illuminés.  En 2012, des centaines de croyants cernés par plusieurs compagnies de CRS ont attendu en vain la fin du monde!  J'ai découvert la tarte et le pain sans gluten! (sans commentaire). Le chat de la maison a eu la bonne idée de sauter sur nos genoux au cours du repas, façon tendresse (pour nous faire du bien au foie selon sa propriétaire convaincue que les chats soignent ). Malheureusement, ma main a rencontré la peau à vif, débarrassée de poil, suintante, de la pauvre bête atteinte d'une maladie genre pelade que j'ai pensée contagieuse.. A priori, à force de soigner le foie des visiteurs, la bestiole en avait perdu le pelage! J'ai eu des doutes concernant les dons de magnétiseuse de notre hôte incapable de soigner son animal domestique mais elle ne fait probablement pas les bêtes! 
A Puilaurens, nous avons été hébergées par un couple d'Anglais absolument charmants et leur chien, une bête immonde genre berger allemand dont le seul but était probablement de nous renifler le cul, sociable selon ses maîtres avec les hommes mais mauvais comme une teigne avec ses congénères. Il avait d'ailleurs récemment coursé et croqué un plus petit que lui et devait dorénavant sortir muselé, ayant échappé de peu à la piqure du vétérinaire. Il était cantonné dans l'entrée, qui sentait la chiennerie, le chenil, et collait son museau humide sur la vitre à petits carreaux dans l'espoir d'accéder à la salle à manger. La maison aurait tout aussi bien pu servir de décor pour la série "les revenants" posée comme elle était près de la rivière, la Boulzane qui avait ravagé la vallée lors des dernières crues dans l'Aude. Elle y avait échappé par miracle mais cernée. Nos hôtes nous ont nourri royalement à l'anglaise, désolés de ne pouvoir dîner avec nous pour cause de mesures sanitaires: entrée, plat dessert, vin à volonté, apéritif et pousse café, une liqueur de prunelles concoctée par la maîtresse de maison. Au matin nous sommes parties avec des barres de fruits secs cuisinés, et la recette de la liqueur! 
A Caudiès de Fenouillèdes, pas de chien mais une bique! A Camps-sur -Agly, un énorme chat à trois pattes, un Maine Coon, à Quirbajou des chats et des chiens ... mais pas de punaises de lit malgré la peur de la logeuse qui, visiblement depuis 2015, oblige tout visiteur à laisser les sacs à dos dans l'atelier afin de ne pas infecter les lits! 
La punaise de lit est devenue la hantise des gîtes sur les chemins, Compostelle étant à ce titre devenu le champion du parasite. 

(A suivre)
La fenêtre du Pech de Bugarach



Au loin le Canigou vue du col d'Auroux

Pech de Bugarach

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...