jeudi 31 juillet 2025

la boîte à chaussures rouge.




J'ai deux activités principales, en dehors de la lecture, jardiner -mettre propre, arracher les mauvaises herbes, tailler, tondre, ratisser- et tenter de faire du vide dans la maison (trier pour jeter). La première nécessite une à deux heures par jour, elle est efficace car l'effet se voit immédiatement et procure une ineffable satisfaction même si, à y bien regarder, il reste quelques mauvaises herbes entre les pierres, les buissons ne sont pas rasés parfaitement et donneront des rejets dans les semaines à venir, le produit des tailles pourrit sur la pelouse en un gros tas malodorant, attendant des mois la venue du jardinier censé évacuer les déchets végétaux, qui ne vient jamais, alors qu'il promet toujours de venir demain hier.  

La deuxième est le plus souvent un échec total, toujours avortée dans l'oeuf au premier livre trouvé ou dossier compulsé ou boîte ouverte! Il faudrait jeter à l'aveugle, sans souvenirs, sans curiosité et surtout sans états d'âme. Ainsi donc, hier, je me suis levée dans un grand élan enthousiaste du canapé, après la sieste postprandiale, bien décidée à libérer une étagère du placard afin de la laisser vide! Deux minutes après je rapportais sur le bureau une belle boîte à chaussures "Charles Jourdan", rouge, remplie de bidules dont j'ignorais tout! Elle sent le renfermé, le vieux, l'ancien, le "mathusalem", elle a atterri dans mon placard lorsque l'on a vidé l'appartement de ma mère et je l'ai oubliée ignorant tout de son contenant, et jusqu'alors j'imaginais qu'elle gardait sans doute une paire de chaussures d'une marque quelconque! 

En étalant son contenu sur le bureau, j'ai compris qu'elle enrichissait grandement les archives de mon grand-père Emile dont j'essaye à travers les comptes de retracer la vie!

J'ai sorti:

- des agendas entamés où sont griffonnées des recettes de médicaments, d'onguents ou de potions

- des certificats de pension de retraité

- un journal précieusement gardé, La Grande relève des hommes par la science (Hebdomadaire de l'économie distributive et organe du M.F.A) du 8 novembre 1958 

- des notes sur des petits bouts de papier

- des chansons recopiées

- toutes ses médailles militaires 

- des médailles pieuses de la Sainte-Vierge dans un petit sac au crochet marron de la taille d'un double dé à coudre. 

- le dentier de ma grand-mère car mon grand-père n'en a jamais porté, il lui restait au milieu de la mâchoire du haut, une incisive bien décidée à ne jamais tomber. Souvent hilare et rigolard, il ouvrait grand la bouche, c'est alors qu'elle me frappait par son incongruité et je me suis toujours demandée à quoi elle pouvait bien servir!  

- deux crucifix portatifs

- un chapelet 

- quelques lettres 

- la photo d'un individu inconnu, celle de mes parents

- un porte-monnaie en simili-cuir tout écaillé, rempli de papiers pliés en quatre écrits mais pour la plupart illisibles et très fragiles

- des prospectus de la fin des années 60 afin de défendre et  sauver la sécurité sociale dont les slogans font échos très largement à ce qu'on entend aujourd'hui 

- et cerise sur le gâteau, son brassard d'infirmier pendant la guerre 14-18 estampillé "Ministère de la guerre". 

Le contenu de la  boîte complète les carnets de compte d'autant qu'un billet résume une vie de labeur et de misère pauvreté!





PS je n'ai rien fait d'autre que l'inventaire du bazar! 

lundi 2 juin 2025

Tué à l'ennemi.



C’est l’histoire d’une toute petite photographie aux cinquante nuances de gris,  trouvée chez un bouquiniste, elle mesure 4,3 cm sur 6,4cm.

Au dos, un maximum d’informations: « 

  • Côte 304
  • 21 juillet 1917
  • Monument érigé sur la sape du lieut. Mollard, élément de la section engloutie le 10 juillet 1917 à 10h 
  • Photo appartenant à Tonton Yves Queffelec. » 



Il est aisé de retrouver le dit Mollard sur le site du ministère de la défense. Les Mollard ne sont que 138 à être morts au cours de la Première Guerre Mondiale. Un seul décède le 10 juillet 1917: 

Mollard Fernand sous-lieutenant, 272ème régiment d’infanterie de la classe, 5ème bataillon, 17ème compagnie. Il avait 27 ans, 6 mois et 17 jours lorsqu’il meurt  « pour la France » dans la Meuse côte 304, « tué à l’ennemi ». 

De la classe 1909, il est né le 24 décembre 1889 à Paris dans le 19ème arrondissement. Numéro de matricule au corps 04567 

Numéro au recrutement 1943 Seine 1er B. (Bataillon).  

La transcription au registre d’état civil se fait le 17 décembre 1917 au n° 1339/932. Il était fils de feu Joseph et de Carier Félicie Augustine. La constatation de sa mort n’a pu être faite. L’acte de décès sur le champ de bataille est dressé «par nous, René Jean Laurent sous lieutenant chargé des détails au 272ème Régiment d’infanterie, officier de l’état civil, sur la déclaration de Jacques Ceppiès âgé de 21 ans voltigeur au 272ème régiment d’infanterie et de Valérie Mesnard, âgé de 37 ans voltigeur au 272ème régiment d’infanterie, témoins qui ont signé avec nous après lecture. Pour copie conforme… » La copie sur le registre comprend également une mention  additive car l’acte est incomplet sur plusieurs points, 

« Le défunt est domicilié en dernier lieu à Paris, dix neuvième arrondissement, 24 rue Pessart, était célibataire…. ». 


La sape est une tranchée profonde, parfois couverte mais jamais souterraine, permettant la circulation à l'abri des vues. La section est la subdivision de la compagnie et comprend environ 65 hommes. Elle est généralement commandée par un sous-lieutenant.

La côte 304 est un des points le plus élevé situé sur la rive gauche de la Meuse. Elle est tombée entre les mains des Allemands lors de la bataille de Verdun le 6 mars 1916 et ne fut reprise définitivement que le 20 août 1917.


A suivre

mardi 29 avril 2025

Un pavé inutile!

De proche en proche. Une famille ordinaire dans l’histoire de France. Emma Rotschild. (Seuil, Paris, 2025, 403 pages, dont 130 pages de notes, un arbre généalogique, un index des noms, un dictionnaire succinct des principaux acteurs cités, un plan illisible d'Angoulême et un noeud représentant le réseautage du personnage principal, Marie Aymard, veuve illettrée dont on ne saura rien ou presque ...) 



Tout était fait pour me plaire, un article dans la revue l’Histoire et une belle critique, un matin sur France Inter, de Claude Askolovitch dans sa revue de presse, le thème, Angoulème au XVIIIème et au XIXème siècle à travers une famille ordinaire (mon terrain de jeu préféré en histoire) … 

Las! Ces critiques n’ont dû lire que l’introduction très alléchante! Le corps de l’ouvrage est quasi illisible, confus et au final rébarbatif. On n’y apprend rien, si ce n’est les histoires de quelques uns, quand un procès, une enquête un peu fouillée, un contrat de mariage, une mort étonnante, un crime, un vol, une bagarre les signalent dans les sources. 

Les sources ? Les registres paroissiaux et les registres d’état civil principalement, documents d’une très grande richesse mais lesquels,  si on se contente de les retranscrire, sont ennuyeux ou n’intéressent que les généalogistes passionnés par leur propre famille. 

J’espérai une belle bibliographie d’articles et d’ouvrages récents, il n’y a rien même en note, comme si l’histoire française récente n’était qu’une immense page blanche, un désert. 

L'autrice a réalisé un travail titanesque  de transcription et de remarques inutiles et partisanes. Au hasard, je cite: "Victor Mamert ..a eu un destin plus triste encore. Lui aussi a intégré l'administration des impôts indirects. Il est resté célibataire et s'est retiré dans un village des Landes où il est mort en 1885 à soixante-dix-huit ans.....On y indique aussi qu'il était concessionnaire d'un petit bureau de tabac et qu'il passait son temps à jouer de la flûte." ...page 237. 

Quoi de plus triste en effet que d'être fonctionnaire (qui plus est, au centre des impôts), célibataire et joueur de flûte! 

L'auteur enfile ainsi les perles à longueur de page...

 

Historienne à Harvard? 


Qu’est-ce que j’apprends sur les mobilités sociales et les mutations économiques? Je me pose la question…Pas grand chose et  je me suis ennuyée ferme. 

Le livre est indigne, la recherche et l’analyse historiques sont au ras des pâquerettes ou comme le dit le  critique du monde plus élégamment : « …elle n’a pas de système général de vérité à exposer mais des vies réelles à reconstituer. Dès lors, l’exercice tourne parfois à la collection d’histoires juxtaposées, loin d’être sans intérêt mais difficiles à ramasser dans une vue générale de la France au XIXe siècle ». 
Des vies réelles comme celle de Victor Mamert?

vendredi 4 avril 2025

37 Secondes, une série sur Arte.

Pourquoi ai-je aimé la série 37 secondes sur Arte? Reconstitution de l’affaire du “Bugaled Breizh”, chalutier qui coula mystérieusement en 2004. Cette minisérie donne à voir un portrait contrasté des familles des marins, avec Nina Meurisse. Elle a reçu le Grand Prix de la compétition française à Séries Mania.



1. Depuis toujours on connaît le drame, le bateau coule, 5 morts. Pas de stress à priori! Pourtant les réalisatrices réussissent à maintenir pendant les six épisodes l'envie d'aller jusqu'au bout de l'histoire, comme un thriller, avec même un peu d'inquiétude et l'envie de savoir alors qu'on sait! Bravo. 

2. Tous les acteurs incarnent parfaitement leur rôle, aucun n'est caricatural, ils sont tous justes et jouent remarquablement. La palme pour Nina Meurisse! Mais il faudrait citer tous les autres, acteurs principaux comme secondes rôles. 

3. Les reconstitutions sont parfaites, sans entrer dans les clichés "cartes postales". Rien à dire pour qui connaît la région, Loctudy, le Guilvinec, Penmarc'h et ses phares,  Quimper ou Brest (que les réalisatrices réussissent à sublimer filmant, par exemple,  la trouée vers le port de commerce). Au dernier épisode, on évolue dans un quartier de maisons individuelles comme on les aime ici, pignons blancs et toits d'ardoises, murets qui délimitent les jardins. Les ports et les chalutiers sont à l'honneur, sans trop forcer le trait, les quais, les charriots élévateurs, les caisses de poissons, on sentirait presque l'odeur de gasoil et de queues de langoustines. Le vent et la pluie, le bruit des vagues. Pour plaire aux Parisiens, un des personnages vit dans une petite maison traditionnelle, une de celle que j'appelle une "crèche à cochons", basse, à petites fenêtres qu'occultent des rideaux blancs crochetés. 

4. Sans oublier les accessoires: téléphones à clapet, blousons en velours rouille, cirés jaunes et bottes en caoutchouc, gants pour lever les filets. 

5. On découvre par petites touches le travail des marins pêcheurs, des ouvrières qui lèvent les filets de rougets ou de maquereaux chez les mareyeurs (je me demande d'ailleurs si elles n'ont pas un peu sous estimé les cadences..). Le fonctionnement d'un comité des pêches, le rôle des patrons. J'ai moins aimé (et je m'interroge d'ailleurs à ce sujet), les églises remplies pendant la messe du dimanche matin, pour moi, elles ne sont plus fréquentées que par les veuves et les personnes très âgées. Les réalisatrices insistent lourdement, comme si c'était le seul lieu de sociabilité, le bistrot où Marie Madec va boire "des coups avec son amie" y est moins représenté! Certes pendant les enterrements, on  s'y retrouve quand on retrouve les corps des péris en mer.  De plus en plus les hommages ont lieu dans les funérariums. 

6. La romance est impeccable, le film respecte les familles sans misérabilisme, le drame est total et la fourberie de certains avocats classique, certains magistrats exemplaires, d'autres indigents et l'on mesure alors pleinement le déni de justice. Les détails techniques ne nous sont pas épargnés, fait appréciable et l'on doit souligner la truculence de l'expert en sous-marins, parfaitement incarné. 

7. Drame de la mer, on ne saura jamais ce qui a pu arriver au Bugaled Breizh (2004-2016, date du non-lieu)! 

J'aime aussi parce que c'est chez moi! 


jeudi 6 mars 2025

Mon vrai nom est Elisabeth, d'Adèle Yon

Mon vrai nom est Elisabeth d'Adèle Yon est un livre remarquable (Edition du sous-sol, Villeneuve-d'Ascq, 2025, 393 pages) 




La narratrice est-elle folle? A-t-elle hérité d'une pathologie dont souffrait peut-être son arrière grand-mère recluse dans un asile d'aliénées et dont la famille ne dit jamais rien? 

L'auteur sacrifie à la mode des recherches historiques familiales, (Springora, ..), elle y mélange l'histoire de ses recherches, y décrit l'impact qu'elles ont sur sa vie, elle y mêle également son histoire, ses sentiments en faisant un récit intime. Son livre est une réussite tant sur le plan littéraire qu'historique! Le récit est glaçant, le suspense total (et ce n'est pas un roman policier), les sources remarquablement traitées et les recherches scientifiques solides! (cf l'histoire est une littérature contemporaine Ivan Jablonka) 

Ce livre est traumatisant et révélateur d'une époque toujours aussi terrible pour les femmes dans les années 40-50. Son arrière grand-mère, Betsy, trop libre, 6 enfants au compteur en quelques années, est internée par son mari et son père après avoir subi tous les traitements supposés la calmer.  

Ce livre n'est pas un livre de plus concernant les filles, les épouses, les mères, les femmes! Non plus que ça, il est incontournable. Et décidément, "pour nous les femmes" (Julio si tu m'entends),  ce n'était pas mieux avant! 

dimanche 23 février 2025

L'attachement et l'ennui...



Je suis allée voir le film que Télérama porte aux nues: l'attachement et je m'y suis profondément ennuyée. C'est avec perplexité que je me demande ce que j'ai pu rater, ce que je n'ai pas compris! C'est bien joué (quoique les personnages soient caricaturaux), les dialogues travaillés, parfois drôles, on comprend parfaitement le message que veut faire passer la réalisatrice concernant la vie qui continue, (parfois même un peu lourd) mais quel ennui! 

Habituellement je me fie aux critiques des spectateurs, ...j'aurais dû. La salle était à moitié vide, et pour cause, le bouche à oreille va le plomber ... Ou alors je suis totalement insensible?

Je n'ai pas pu m'empêcher de penser au film Pupille de Jeanne Herry, magnifiquement réalisé, récit très juste qui émeut, bouleverse et émerveille, où toute la fragilité et la complexité humaine sont  superbement bien montrées et analysées avec tendresse et émotion sans limite. 

mercredi 5 février 2025

Des vêtements de cycliste!

Ce n'est pas Emile.


Emile achète également des vêtements de cyclisme. 

En 1909, une ceinture cycliste (1,75) peut-être munie d'une musette? 

En 1910, une chemise de couleur (3,50),  une culotte cycliste (12,90),  des bas cyclistes de la marque Jurée (12,90).
 

En 1911, des souliers de la marque Besnard (7,75) et quelques mois plus tard, des souliers Abadie deux fois plus chers que les précédents (14,50). 

Le costume trois pièces ne convient pas vraiment à la pratique du vélo. 

Le haut seul peut être conservé: une chemise et un veston en flanelle. 

Par contre, le cycliste s'équipe d'une culotte de route non collante fermée par trois boutons sous le genou de façon à pouvoir être déboutonnée lorsqu'il fait chaud. Les bas sont en laine gris fer généralement tricotés à grosses mailles. 

Les chaussures sont en cuir découverts et lacés, de type souliers "anglais" à talons plats effilés afin d'entrer dans les cale-pieds. 

Inspirée par les coureurs, la culotte se perfectionne et devient cuissard afin de se prémunir des blessures au fondement (ampoules, irritations etc...). Il reste large,  en laine et équipé de bandes de caleçons en coton afin d’éviter au tissu de remonter. La laine permet de conserver la chaleur et d’absorber la sueur. Ces shorts tricotés sont plus souples qu’un simple pantalon en toile. Ils se resserrent peu à peu afin de  libérer les mouvements. Toujours noirs pour camoufler la saleté provoquée par la selle du vélo en cuir et huilée, ces shorts ont déjà une protection de selle, appelée chamois. C’est ainsi que Francis Pélissier, trois fois Champion de France, vainqueur d’étape et maillot jaune sur le Tour de France dans les années 1920, en témoigne dans le Miroir des Sports du 13 juin 1933  : “les culottes ne comportaient pas moins de trois épaisseurs. D’abord, à l’intérieur, une peau de chamois bien douce, de façon à diminuer l’échauffement de la peau, soumise à rude épreuve quand la course compte de nombreux kilomètres. Ensuite, une épaisseur de laine et enfin, directement contre la selle, une épaisseur de coton, tissu qui est plus solide que la laine. Avec une culotte ainsi fabriquée, vous n’aurez presque jamais d’ennuis et, en tout cas, les risques de blessures se trouveront réduits au minimum”. Chaque cycliste doit graisser son chamois pour l’assouplir et rendre le contact avec la peau plus doux. Cette protection en cuir cousu dans la zone de la selle a été utilisée durant une grande partie du XXe siècle. Qui ne connait pas «  s’user le cuir  »  dans le jargon cycliste  ?

Copie des premières chaussures cyclistes en semelle cuir

1914 



Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...