jeudi 6 mars 2025

Mon vrai nom est Elisabeth, d'Adèle Yon

Mon vrai nom est Elisabeth d'Adèle Yon est un livre remarquable (Edition du sous-sol, Villeneuve-d'Ascq, 2025, 393 pages) 




La narratrice est-elle folle? A-t-elle hérité d'une pathologie dont souffrait peut-être son arrière grand-mère recluse dans un asile d'aliénées et dont la famille ne dit jamais rien? 

L'auteur sacrifie à la mode des recherches historiques familiales, (Springora, ..), elle y mélange l'histoire de ses recherches, y décrit l'impact qu'elles ont sur sa vie, elle y mêle également son histoire, ses sentiments en faisant un récit intime. Son livre est une réussite tant sur le plan littéraire qu'historique! Le récit est glaçant, le suspense total (et ce n'est pas un roman policier), les sources remarquablement traitées et les recherches scientifiques solides! (cf l'histoire est une littérature contemporaine Ivan Jablonka) 

Ce livre est traumatisant et révélateur d'une époque toujours aussi terrible pour les femmes dans les années 40-50. Son arrière grand-mère, Betsy, trop libre, 6 enfants au compteur en quelques années, est internée par son mari et son père après avoir subi tous les traitements supposés la calmer.  

Ce livre n'est pas un livre de plus concernant les filles, les épouses, les mères, les femmes! Non plus que ça, il est incontournable. Et décidément, "pour nous les femmes" (Julio si tu m'entends),  ce n'était pas mieux avant! 

dimanche 23 février 2025

L'attachement et l'ennui...



Je suis allée voir le film que Télérama porte aux nues: l'attachement et je m'y suis profondément ennuyée. C'est avec perplexité que je me demande ce que j'ai pu rater, ce que je n'ai pas compris! C'est bien joué (quoique les personnages soient caricaturaux), les dialogues travaillés, parfois drôles, on comprend parfaitement le message que veut faire passer la réalisatrice concernant la vie qui continue, (parfois même un peu lourd) mais quel ennui! 

Habituellement je me fie aux critiques des spectateurs, ...j'aurais dû. La salle était à moitié vide, et pour cause, le bouche à oreille va le plomber ... Ou alors je suis totalement insensible?

Je n'ai pas pu m'empêcher de penser au film Pupille de Jeanne Herry, magnifiquement réalisé, récit très juste qui émeut, bouleverse et émerveille, où toute la fragilité et la complexité humaine sont  superbement bien montrées et analysées avec tendresse et émotion sans limite. 

mercredi 5 février 2025

Des vêtements de cycliste!

Ce n'est pas Emile.


Emile achète également des vêtements de cyclisme. 

En 1909, une ceinture cycliste (1,75) peut-être munie d'une musette? 

En 1910, une chemise de couleur (3,50),  une culotte cycliste (12,90),  des bas cyclistes de la marque Jurée (12,90).
 

En 1911, des souliers de la marque Besnard (7,75) et quelques mois plus tard, des souliers Abadie deux fois plus chers que les précédents (14,50). 

Le costume trois pièces ne convient pas vraiment à la pratique du vélo. 

Le haut seul peut être conservé: une chemise et un veston en flanelle. 

Par contre, le cycliste s'équipe d'une culotte de route non collante fermée par trois boutons sous le genou de façon à pouvoir être déboutonnée lorsqu'il fait chaud. Les bas sont en laine gris fer généralement tricotés à grosses mailles. 

Les chaussures sont en cuir découverts et lacés, de type souliers "anglais" à talons plats effilés afin d'entrer dans les cale-pieds. 

Inspirée par les coureurs, la culotte se perfectionne et devient cuissard afin de se prémunir des blessures au fondement (ampoules, irritations etc...). Il reste large,  en laine et équipé de bandes de caleçons en coton afin d’éviter au tissu de remonter. La laine permet de conserver la chaleur et d’absorber la sueur. Ces shorts tricotés sont plus souples qu’un simple pantalon en toile. Ils se resserrent peu à peu afin de  libérer les mouvements. Toujours noirs pour camoufler la saleté provoquée par la selle du vélo en cuir et huilée, ces shorts ont déjà une protection de selle, appelée chamois. C’est ainsi que Francis Pélissier, trois fois Champion de France, vainqueur d’étape et maillot jaune sur le Tour de France dans les années 1920, en témoigne dans le Miroir des Sports du 13 juin 1933  : “les culottes ne comportaient pas moins de trois épaisseurs. D’abord, à l’intérieur, une peau de chamois bien douce, de façon à diminuer l’échauffement de la peau, soumise à rude épreuve quand la course compte de nombreux kilomètres. Ensuite, une épaisseur de laine et enfin, directement contre la selle, une épaisseur de coton, tissu qui est plus solide que la laine. Avec une culotte ainsi fabriquée, vous n’aurez presque jamais d’ennuis et, en tout cas, les risques de blessures se trouveront réduits au minimum”. Chaque cycliste doit graisser son chamois pour l’assouplir et rendre le contact avec la peau plus doux. Cette protection en cuir cousu dans la zone de la selle a été utilisée durant une grande partie du XXe siècle. Qui ne connait pas «  s’user le cuir  »  dans le jargon cycliste  ?

Copie des premières chaussures cyclistes en semelle cuir

1914 



vendredi 31 janvier 2025

Entretien et réparations de la bécane!



Bicyclette Le Globe, modèle touriste, 1914 entièrement restaurée! 


L’entretien d’un vélo est couteux lorsque l’on s’en sert beaucoup.

Redresser un cadre faussé coûte approximativement 3 à 5 francs en 1912 à la Manufacture française d’armes et de cycles de Saint-Etienne, de 8 à 12 francs pour remplacer un guidon, et de 3 à 10 francs pour un pignon. La manufacture s’engage également à réparer les marques étrangères. 

En province, dans la Manche par exemple,  lorsque l’on est modeste, en cas de coup dur pour son vélo, la solution est de s’adresser aux mécaniciens locaux, ou de faire les réparations soi-même. 

D’après son carnet de comptes, Emile fait appel à un «professionnel ».  

Prioult, mécanicien et distributeur de bicyclettes à Saint-Lô en a fait sa profession ou sa spécialité. En effet, ce métier de réparateurs de cycles émerge au début du siècle, afin de réparer des machines de plus en plus sophistiquées, remplaçant petit à petit  les charrons ou les serruriers qui avaient l’habitude de redresser  des pédales ou des cadres. 

« Dévoiler une roue » c’est-à-dire redresser une jante voilée est un travail compliqué pour l’amateur, il est souvent nécessaire «après avoir démonté tous les rayons, de la faire repasser par les galets de la pièce à cintrer, ce qui nécessite du matériel particulier. Le charron se contente de la redresser sur le tas en la posant sur l’enclume et en la frappant au point voulu avec un maillet de bois». L’’opération s’avère risquée s'il s'agit de conserver la roue en bon état! 


Le « mécanicien bicyclettes » ou « réparateur de vélos » se fait connaître dans les encarts publicitaires de la presse locale. L’organisation de courses ou le passage du tour de France permet de s’assurer une publicité et de faire reconnaître son professionnalisme.   En 1911, en juillet lors du passage du tour de France à Coutances où se rend Emile, M.Danjou mécanicien, est chargé par le journal l’Auto de contrôler les cyclistes à leur passage au carrefour de Lessay. 

Avec le développement de l’automobile, les garages, d’abord synonymes de parking, s’orientent vers le dépôt de carburant puis la réparation des cycles et des automobiles qui deviennent très vite prioritaires. 


Les dépenses d’Emile pour son vélo sont importantes ce qui laisse supposer un usage fréquent. 

  • En 1910, 17,60 francs: pour un frein arrière 14 francs, un dévoilage de la roue arrière pour 1 francs, 2,60 pour un éclatement de pneus. 
  • En 1911, 20,20 francs: 2,50 francs pour une poignée et 1 franc pour le resserage du guidon, une chaîne à remplacer pour 4 francs, une selle d’occasion pour 4,50, le réglage de la direction et du pédalier pour 2 francs et le remplacement du moyeu avant pour 6,20. Le bilan de l’année est désastreux et justifie amplement qu’Emile revende son vélo et en achète un autre plus solide. 
  • De fait en 1912, à part quelques réglages de la roue arrière et du moyeu, il semble partir sur de bonnes bases avec son routier Le Globe, jusqu’à ce qu’il investisse dans un double tube Wolber pour 20 francs. Il s’agit d’un pneu fabriqué par l’usine Wolber, manufacture de caoutchouc et pneumatiques pour vélos, d’abord installée à Levallois-Perret puis à Vailly-sur-Aisne et en 1913 à Soissons. L’usine est longtemps leader du pneu de vélo (rachetée par Michelin en 1972 elle ferme définitivement en 1999 et licencie ses 451 salariés). Ces pneus performants remplacent ceux équipés en série sur la bécane d’Emile. Il s’agit véritablement d’un investissement pour un plus grand confort et plus de solidité. 

Il n’hésite pas non plus à améliorer son vélo par l’achat de lanières pour les pédales ou de cale-pieds. Il entretient sa lanterne qui doit probablement fonctionner à l’acétylène. 


Emile se réserve les petites réparations pour lesquelles il s’équipe: arrache-pneus, arrache-clous, burette d’huile «dissolution », pièces comme des clés diverses et autre nécessaire de réparation, le tout pouvant être rangé dans des sacs de cadre à plusieurs compartiments, un pour les outils, un  pour  le stockage des nécessaires de soins (gaze coton ) et le troisième pour des chaussettes et chemises de rechange. Emile opte pour un sac de guidon à 2,45 francs, plus petit et moins onéreux. 

 

Chaque année Emile s’acquitte de la taxation sur son vélo, 3 francs. 

La plaque est obligatoire ; la loi du 30 janvier 1907 établit les modalités de fixation.  Elle se met sur le tube de direction, de manière à se présenter de face, sur le devant de la machine.

Ces plaques sont frappées à l’hôtel des monnaies et médailles et portent un poinçon spécial.  On estime à 3% le nombre de cyclistes qui ne s’acquittent pas de la taxe. Celle-ci est abandonnée en 1959.


sources : Gallica, le journal de la Manche et de la Basse Normandie, Wikipédia, le blog de la maison Delys-Le Globe, la municipalité de Soissons pour les pneus Wolber. 


mercredi 29 janvier 2025

Emile et ses vélos.



En 1909, Emile arrive à Saint-Lô dans la Manche avec sa bicyclette et une lettre de recommandation de son employeur de Combourg. Il prend un emploi d’élève pharmacien et commence son premier carnet de comptes, véritable journal de bord. 

Sa « bécane » comme il l’écrit dans le carnet constitue un gros poste de dépenses. Tout ce qu’il consacre à son principal moyen de transport est classé dans la rubrique UTILE. En effet, la bicyclette, au début du XXème siècle, accélère les temps de trajets familiers et permet aux jeunes davantage d’autonomie. 


En quatre ans, de mars 1909 à son départ à l’armée en 1913, Emile consacre environs 500 francs à ses vélos, dépenses qu’on peut répartir en quatre postes: 

  • l’achat de deux « bécanes » en 1910 et 1912 soit 68%
  • L’achat des accessoires: cale-pieds, lanternes, lanières de pédales  par exemple, soit 15%
  • Les réparations et l’achat de petits matériels de réparations, par exemple, un jeu d’arrache-pneu ou le dévoilage de la roue arrière. 3%
  • L’achat de vêtements spécifiques pour le cyclisme comme des bas de cyclistes, ou des souliers de cyclistes 9,6%. 

Ces dépenses sont variables d’une année sur l’autre, 1909 et 1913 ne lui coûtent pratiquement rien (moins de 5 francs). Par contre les années 1910, 1911 et 1912 sont des années fastueuses, de plein emploi, de riches relations sociales et de visites où le vélo est essentiel à ses déplacements. 

D’autre part, il s’intéresse au tour de France, aux compétitions cyclistes, et achète des journaux sportifs comme l’Auto. Fondé en 1900, L’Auto-vélo, qui devient L’Auto en 1903, est le premier journal sportif à revendiquer son apolitisme. Après quatre ans de concurrence avec son rival Le Vélo, il prend la tête de la presse sportive avec l’organisation du premier Tour de France en 1903. En 1913 le quotidien tire à 120 000 exemplaires. 


Emile achète deux bicyclettes avant de partir au service miliaire.

En 1910, il achète un vélo de la marque Herstal-Prioult pour 105 francs qu’il cherche à revendre en octobre 1911. En 1912, il investit dans un modèle plus perfectionné, une « bécane » le Globe pour 235 francs. 

La marque Herstal (qu'il écrit en très belles lettres dans son calepin) est probablement distribuée à Saint-Lô par le mécanicien Prioult. Celui-ci est aussi le représentant de la maison Terrot pour les cycles et Michelin pour le pneu. Il intervient sur les courses «vélocypédiques» organisées par le vélo-club saint-lois soutenu par le conseil municipal qui lui octroie en juin 1910 une subvention de 300 francs. 

Herstal en Belgique est un grand centre de production motocycliste, notamment la société FN  ou Fabrique Nationale, elle usine des bicyclettes de 1895 à 1920 puis des motos et des armes. 

Emile n’a pas les moyens de s’offrir un vélo de la marque Terrot d’une valeur de 250 francs. C’est le premier prix  offert par Prioult, son représentant, en juin 1910 pour la course cycliste organisée à Saint-Lô. Les autres coureurs gagneront un objet s’ils effectuent le parcours à 17km/h. 

Pourquoi revend-t-il son vélo en 1912? Deux raisons: l’envie d’acheter un modèle plus perfectionné et limiter les investissements sur un vélo ancien pour lequel il dépense beaucoup en matériels ( une poignée, une chaîne Brampton, une selle d’occasion). 

Il acquiert une  bécane le Globe. 




La marque connaît depuis 1900 une véritable prospérité, des succès industriels, commerciaux et sportifs puisqu’elle est connue dans le milieu des courses cyclistes. Trente coureurs entre 1909 et 1912 courent dans l’équipe le Globe, elle connaît deux vainqueurs du tour de France Henri Cornet et Firmin Lambot. Elle se distingue aussi au Bol d’or, compétition française sur piste d’endurance.  

Emile achète un modèle routier présent dans tous les catalogues de 1909 à 1914. Le modèle touriste est trop cher pour Emile (280 francs).

Ce nouveau vélo est doté d’un guidon anglais avec deux freins sur jante, des garde-boue en acier. 

 

 


 1https://cms-gallicablog-adm.bnf.fr/19122017/le-journal-lauto-fait-la-course-en-tete?mode=desktop

2 (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2353014f/f4.item.zoom

3 (://cyclesdelys.wordpress.com

 

lundi 20 janvier 2025

Ta promesse, Camille Laurens

Enfin un livre que je n'ai pas lâché et lu en quelques jours! Ta promesse de Camille Laurens. 



Cela tombe bien, il fait un froid de gueux, le ciel est gris on ne voit pas la bouée qui tangue dans la baie! Ta promesse se lit comme un polar, un bon polar dont je n'ai pas deviné la fin (bravo l'autrice)! 

Cerises sur le gâteau : c'est bien écrit et bien documenté.  

Ce livre parle d'amour, de générosité, de confiance et de beauté, Claire aime, se sent aimée, elle rayonne  puis soudain, tout s'effondre lorsque son compagnon révèle son vrai visage: manipulateur, pervers, méchant, sans empathie aucune.  L'analyse du processus de destruction de l'autre, Claire, est subtile et remarquablement conduite. 

Si les premières pages sont parfois un peu fastidieuses, il ne faut pas s'arrêter à cette impression car très vite le bouquin devient vite passionnant. La construction est subtile, multipliant les points de vue et les procédés d'écriture (lettres, témoignages et même poèmes dont je me serais bien passés). 

Je recommande! 

mardi 14 janvier 2025

Patronyme, Vanessa Springora

Vanessa Springora écrit bien mais son deuxième livre, Patronyme, (Grasset, 2025) n'a pas la puissance du premier, le consentement 




Cette fois-ci il s'agit d'écrire sur son père "ce courant d'air" que l'autrice retrouve mort depuis plus de 5 jours dans l'appartement devenu un taudis qu'il occupait. Le premier quart du livre évoque avec force ce père tyrannique, violent, absent, mythomane et constitue sans aucun doute la partie la plus intéressante et prenante. Tout change lorsqu'elle est obligée de vider l'appartement et découvre les quelques souvenirs et archives de ses grands-parents paternels, notamment des photographies sur le passé trouble de son grand-père d'origine tchèque (sudète). Elle démarre alors une enquête sur la famille de son père dont le fil conducteur est l'histoire du  patronyme Springora, Springer. Cette recherche est intéressante mais elle conduit souvent à des impasses faute d'archives.Vanessa Springora réussit à travers un plan subtil qui nous tient en haleine à raconter son enquête, faire état de ses réflexions et tenter l'histoire de cette famille. Malheureusement, le dernier quart du livre devient pesant, truffé d'hypothèses à n'en plus finir qui n'apportent rien à l'édifice, il est ponctué des remarques et considérations de l'autrice sur les analogies entre son histoire et l'actualité, entre des faits qui n'ont rien à voir entre eux sinon ce qu'elle a envie d'y voir. C'est pesant, trop long, inutile et inintéressant. Sans doute est-ce parce que ce n'est pas un livre d'histoire ni un ouvrage d'anthropologue ou de sociologue. Il y manque la dimension scientifique. 
Vanessa Springora sacrifie à la mode et fait de l'histoire de sa famille un livre mais dans dix ans il finira aux oubliettes. Dommage! 

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...