Enfin un chef d'oeuvre, un film dans lequel on entre sans se poser de questions, ni regarder sa montre, ni penser au quotidien et aux mauvaises herbes qui poussent dans le jardin! Je recommande vivement, l'évènement d'Audrey Diwan (2021) Lion d'or à la Mostra de Venise, récompense hautement méritée.
J'ai lu tous les livres d'Annie Ernaux, découverte lorsque mon fils était en seconde ou en première et qu'il devait lire des romans et en faire l'analyse. Comment avais-je fait pour passer à côté de cette écrivaine remarquable dont les écrits résonnaient tant en moi? Les Armoires vides, la Place, l'évènement, la femme gelée, les Années.
Le film est une oeuvre à part entière, il peut se voir sans avoir lu le livre. Je cite le Monde,: "Au-delà de son sujet, L’Evénement a cette forme simple et radicale – sorte de journal filmé, au cadrage serré – qui fait l’étoffe des grands films, pour peu que l’actrice principale y soit exceptionnelle. C’est le cas de la comédienne franco-roumaine Anamaria Vartolomei, qui incarne Anne."
J'ai aimé la façon dont les années 60 sont reconstituées, sans excès, la chaleur des mois d'été et des bals où l'on danse, la justesse du jeu de Sandrine Bonnaire en mère usée par le travail peu habituée aux câlins, les garçons en cravate qui faisaient vieux avant l'âge, sûrs d'eux, libres et tellement égoïstes, les filles sublimes, solidaires : Brigitte, Odile, Françoise, Madeleine. Et cette fin qui nous réconcilie avec la vie et l'humanité!
Malgré l'arrivée de la pilule en 1967, je restais une jeune fille inquiète. "Ne pas tomber enceinte" était l'anathème qui marquait l'arrivée des règles vers 12/13 ans avant même, dans les années 70, de savoir ce qu'étaient les règles, d'avoir vu un pénis hormis celui de son petit frère, de comprendre comment on faisait les bébés! Les quelques heures d'éducation sexuelle étaient données au lycée, j'ai le vague souvenir d'une projection ou d'un cours un peu appuyé sur la reproduction humaine avec quelques coupes anatomiques, le développement de l'embryon, la naissance, en bref un grand fatras qui arrivait déjà bien tard en terminale (dans les lycées publics)! Le reste on l'apprenait par le bouche à oreille dans des ricanements murmurés, feutrés, explicites ou pas. Pendant les boums, on flirtait beaucoup, on se pelotait souvent en se roulant des palots à bouche que veux-tu mais coucher, pas question, notamment quand on n'était pas "une Marie couche toi-là". Surtout morte de trouille de tomber enceinte, on vivait la peur au ventre (sans plaisir)! Enfin moi! Consulter un vieux gynécologue réac pour obtenir la pilule, (on se refilait l'adresse), consistait en un parcours du combattant, en parler à la mère revenait à avouer qu'on couchait (et ça ne se faisait pas). Les premiers rapports étaient forcément risqués car sans pilule et frustrants car toujours il y avait la consigne "ne pas tomber enceinte" ce qui aurait alors signifier la mort sociale, la fin des études, la merde! Avorter oui on y avait droit après 1975 mais à quel prix!
Pouvoir acheter la pilule et en cas de pépins pouvoir avorter permettaient toutefois d'envisager la sexualité un peu plus sereinement. Cependant, la contraception restait largement une affaire de filles.
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