mercredi 18 novembre 2015

Le silence habité.

Le titre en ces circonstances dramatiques semble bien choisi ... Il n'y a pas que le silence qui fut habité, j'avoue y avoir contribué avec bonheur! 

Depuis vendredi, les sorties et voyages scolaires sont annulés, y compris en province dont c'est mal connaître la vie trépidante. Les autorités craignent sans doute l'effet de masse, le transport en bus, pour une après-midi au cross départemental ou au spectacle au théâtre voisin! Or tous nos élèves arrivent en foule au bahut en transport en commun, dans d'énormes cars qui déversent chaque matin, des hordes d'adolescents endormis, le ventre creux, sentant bon la savonnette (quand ils n'oublient pas de changer de fringues)! Pour suivre la logique, il aurait fallu supprimer tous les transports  cette semaine! Par conséquent fermer le lycée! 
Ainsi donc, c'est presque seule, hier soir, que j'ai assisté à un spectacle de musique contemporaine, avec une poignée de jeunes filles, curieuses de tout, déterminées à se rendre à Quimper coûte que coûte, au vieux théâtre aux murs égratignés, aux fauteuils de velours rouge, éculés mais néanmoins confortables. C'est là que le bâts blesse puisque la tendresse d'un confort ne peut que me conduire à vivre mon péché mignon: dormir! 
Il faut dire que le spectacle s'y prêtait grandement. Je n'ai rien compris à "coq rouge dans jour craquelé" ni à "sérieux gravats" et ce malgré les explications d'un haut niveau intellectuel. La phrase,  "à l'extension de la dynamique à des situations extrêmes" si l'on en croit le fascicule sensé m'en révéler la subtilité, ne m'aide guère à en saisir le sens! Bref, je fus cruche, insensible aux dynamiques les plus restreintes c'est à dire à peine audibles. Point de dynamique selon l'expression consacrée  mais tout son contraire, une furieuse envie de dormir!
Friande de musique contemporaine que j'aime voir et écouter sur scène, j'y allais curieuse, enthousiaste! C'était sans compter sur le compositeur, grand amateur de son épuré, de souffle évaporé, craché, léché, pshitté, plutôt dans les aigus et largement répétitifs, ponctués de silences pesants, forcément habités, inspirés,  au beau milieu desquels, épuisée par une longue journée et une semaine stressante, j'ai poussé un énorme ronflement qui m'a réveillée, celui que l'on pousse la bouche ouverte, totalement relâchée, gorge libérée, celui qui vient des tripes, libérateur, salvateur mais puissant, juste avant de recevoir de mes voisins, de concert, deux sérieux coups de coude!  J'avais commis une extension de dynamique!
J'ai donc largement participé à une oeuvre d'exception assurée que toute la salle quasi vide a entendu l'affront aussi fort qu'un moteur  mobylette. 
Immédiatement, j'ai été prise d'un fou rire inextinguible, irrépressible, m'imaginant ponctuer le frôlement de l'archer sur le bois du violon (ah oui, le compositeur n'utilise les instruments que pour ce qu'ils savent le moins faire....), d'un ronflement puissant et bienfaisant. 
J'ai ensuite reniflé sans pouvoir me moucher,  gigoté puisque j'étais alors bien réveillée. 
Autant vous dire que la salle (du moins ce qu'il en restait ) n'a pas demandé son reste, mais mon voisin, vieux ronchon qui tapait sur sa femme à coup de programme car elle n'écoutait pas, n'a pas manqué de me dire " vous n'avez pas été sage, entre les ronflements, les fous rires et les reniflements, sans cesser de gigoter" ....

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