mardi 29 octobre 2024

Jeu cruel de Mara Goyet.



J'étais une fervente lectrice du blog de Mara Goyet qui narrait avec pertinence et humour sa vie au collège comme professeur d'histoire géographie, mais je n'avais jamais lu ses livres. Je viens de terminer son dernier : Jeu cruel (2024, Robert Laffont, 172pages)

Elle raconte son expérience de jeune actrice en 1984 dans le film de Jacques Doillon, la vie de famille avec Sami Frey. Elle avait dix ans. "Une petite fille qui s'est débattue dans une entreprise qu'elle ne comprenait pas, ourdie par des adultes assurés de gagner à chaque coup". Elle y a été manipulée y compris par son père co-auteur du scénario. 

Le livre tombe à point pour dénoncer les manières de faire de Doillon, les scènes malsaines du film et donner de l'eau au moulin des actrices qui l'ont dénoncé pour des faits bien plus graves. Le livre est l'occasion pour l'autrice de s'interroger sur ce qu'elle a compris et vécu. Ce n'est pas une victime mais à l'évidence elle fut victime de maltraitance sans vraiment le réaliser et sans aucun adulte pour l'aider, la consoler et stopper le harcèlement qu'elle subissait afin d'être le plus crédible possible aux yeux du réalisateur. 

Je n'ai pas vu ce film de Doillon (et je n'en ai pas envie) mais ce qu'elle en dit me semble être une histoire bien tordue avec un père infantile et irresponsable, j'ai juste de vagues souvenirs des quelques extraits passés à la télévision. 

Le sujet est-il suffisant pour en faire un livre? J'ai des doutes même si je suis allée au bout du bouquin, mais comme on lit un article de presse un peu long. Bof!

C'est bien écrit et le propos évoque une époque aujourd'hui révolue (du moins on espère). 


vendredi 25 octobre 2024

L'échappée bretonne, Régis Delanoë



L'échappée bretonne est un récit épatant de Régis Delanoë illustré par Joëlle Bocel. (les éditions du coin de la rue, Langrolay-sur-Rance, 2021, 313 pages) 

L'auteur a parcouru sur son vélo les routes bretonnes du Tour de France: de Brest à Quimper, de Landerneau à Mûr-de-Bretagne, de Lorient à Fougères en 2021, 800km à 20km/h de moyenne. 

Bretagne terre de cyclisme et de cyclistes: Jean Robic, Lucien Petit-Breton, Louison Bobet, Bernard Hinault, Jacques Botherel. 

Rude, aux paysages variés, la terre bretonne est idéale pour qui veut s'entraîner ou musarder sur les petites routes départementales tranquilles. Mieux vaut avoir la "soquette légère", pour "emmener du braquet". 

Souvent le cycliste se déplace en troupeau, comme hier dans le brouillard matinal, vêtus de jaune fluo, la lumière arrière clignotante. Généralement, ça ne rigole pas, quelques grognements, un qui dodeline du casque en guise de salut, la tête dans le guidon. Peu ou pas de femmes dans ces pelotons! La plupart du temps, le cycliste roule seul daignant à peine faire un petit signe de la main sans lâcher les cocottes quand vous le croisez! Ne pas perdre de temps avec les amateurs, lui, c'est un vrai, un coureur! 

Régis Delanoë semble beaucoup plus sociable, il cause sur le chemin et nous raconte la Bretagne, la ruralité, les petites villes, l'histoire et la  géographie et surtout il nous parle de cyclisme. C'est drôle, passionnant, nullement ennuyeux et instructif. Le livre est subtilement construit, l'auteur alterne la description de son voyage (la pluie, le vent, la montée de la terrible côte* de Mûr-de-Bretagne taillée "pour les grimpeurs-puncheurs", les chiens qui veulent lui mordre le mollet, Gérard qui l'accompagne, les hôtes de l'association Warm Shower qui l'hébergent), l'histoire de la Bretagne (le remembrement, l'élevage porcin..) et surtout l'histoire du cyclisme breton (ses coureurs, ses équipes, ses sponsors). 

Ce livre est une pépite, un guide touristique du cyclisme sur route, il donne envie de faire le tour de Bretagne à raison de 80 à 100km par jour! 

Sans la pluie! 

Vers la plage de Kerdalé, Trégunc en octobre


*"montée rectiligne de deux kilomètres, sans virage, sans relance possible, avec des allures de rampe de saut à ski entre deux rangées de chênes et de châtaigniers, 7% en moyenne avec des portions à 12%" (page 179) 

jeudi 24 octobre 2024

L'oiseau de Prométhée

 


L'oiseau de Prométhée mis en scène par Camille Trouvé et Brice Berthoud, est réalisé par la compagnie des Anges au plafond, je m'y suis ennuyée et ai profondément roupillé, c'est un signe! 

Les décors sont superbes, très grecs, on reconnaît ces jolies chaises qui accueillent le client sur les terrasses des bistrots et restaurants des Cyclades; les marionnettes grandeur nature sont magnifiques et ressemblantes, leur manipulation est une réussite mais franchement le propos reste braillard et répétitif ... 

Que faut-il voir dans le funambule qui traverse la scène à pas feutrés régulièrement (on comprend qu'il symbolise le difficile équilibre politique à trouver)? Le type qui ne bronche pas sur le toit où il campe? Les amis qui se fâchent et se séparent abandonnant leurs idéaux? Les dix crises restituées? L'irruption d'un magnifique Dyonisos? Je me demande si je n'ai pas loupé l'essentiel en dormant comme une bienheureuse? 

Il m'a manqué probablement de ne pas connaître suffisamment l'histoire de la Grèce, d'en avoir une mince idée mais n'est-ce pas le rôle d'une pièce que d'être limpide et intelligible pour le spectateur qui n'a pas  lu en long en large un article de wikipedia avant de se rendre au théâtre? Le propos résonnait toutefois avec l'actualité politique et on se disait qu'on n'avait aucune envie de vivre ce que les Grecs ont connu! 

Le public a aimé même si certains ont filé vite fait dès la lumière éteinte. Le public quimpérois est souvent généreux! 

Bref, même avec des décors ou des marionnettes très belles et originales, le théâtre m'emmerde! La dernière fois, en une heure j'ai dû m'endormir 10 bonnes minutes, et je n'ai strictement rien compris à la pièce Vers les métamorphoses d'Etienne Saglio qui nous avait enchanté avec le bruit des loups. Il faut dire que tout se passait dans le noir le plus complet, qu'il répétait les trucs réussis de son dernier spectacle, la salle toussait, toussait et certains compulsaient leur téléphone! Je n'étais pas seule! J'ai l'ennui discret quand je ne ronfle pas. 

La pièce ne me laisse que très peu de souvenirs! 

jeudi 17 octobre 2024

Léonie, ma grand-mère.


Léonie est née le 9 avril 1895 à Combourg. Elle est la dernière enfant de François Eugène Dupont (1843-1911) et de Marie Joseph Lebaux (Lebeau, Lebault) 1854-1940, tous les deux domestiques. Le père a 52 ans et la mère 41 ans. 

Le couple a déjà eu deux garçons et deux filles, seules les filles vivent encore en 1895, Marie-Joseph 14 ans,  née en 1881 et Marguerite 3 ans, née en 1892. 

Les deux garçons meurent en bas âge: Joseph Dupont à 15 mois (1878-1879) et Louis Marie à 2 ans (1884-1886). Je n’ai jamais entendu parler d’eux! 

A cette époque les décès d’enfants sont encore fréquents et les motifs variés, choléra,  fièvre typhoïde, variole, dysenterie, dyphtérie, maladie de l’enfant plus spécifique comme la rougeole, la scarlatine ou la coqueluche encore fréquentes à l’époque. Comme ce ne sont que les deux garçons qui meurent , il est possible qu’ils aient eu un malformation liée à leur sexe.

Le couple est très pauvre et vit à La Haye, un écart éloigné de Combourg, au sud est,  qu’ils finiront par ne plus quitter jusqu’en 1911 à la mort du père. Celui-ci est domestique, ou journalier, parfois cultivateur et va de ferme en ferme louer ses services, la mère élève deux à trois vaches, elle est aussi domestique, cultivatrice ou ménagère selon les actes. 

La mort du père est tragique, il meurt le 19 août 1911 après avoir reçu un coup de pied de cheval « dans le manège qui entraîne la batteuse » dans une ferme. 

Selon l’inventaire après décès, il n’y a «rien d’échus» à sa mort. L’inventaire ne signale  pas que la veuve ait pu garder quelques meubles! Ils n'ont rien. "C'était la misère, on mangeait peu"! 

Léonie a alors 16 ans et depuis son certificat d’étude obtenu le 27 juin 1907, à 12 ans, elle ne vit plus avec ses parents mais à Combourg. 

jeudi 26 septembre 2024

Une histoire familiale de la peur, Agata Tuszynska

Ce livre d'Agata Tuszynska est remarquable! 




Il se lit comme un roman qu'il n'est pas, un livre d'histoire de la Pologne du XXème siècle à nos jours, un récit généalogique dont on connaît la difficulté  à mettre en relation les différentes branches d'un arbre généalogique sans lasser ou perdre le lecteur (parents, enfants, oncles, tantes, cousins, grands-parents etc..), une réflexion sur l'identité et les secrets bien gardés, une histoire de la Shoah et de l'antisémitisme, une réflexion sur la mémoire et les traumatismes enfouis. 

Le récit est intime mais sans pathos, instructif. 

Il est de plus très bien écrit et surtout bien traduit. 

Il reste aujourd'hui d'une grande actualité. 

(2006, éditions Grasset, 512 pages) 




dimanche 16 juin 2024

J'arrête le beurre !

J'arrête le beurre! 




J'arrête le beurre, le gras de l'entrecôte, la peau du poulet, la mayonnaise avec les langoustines! J'ai du mauvais cholestérol, il faut agir! 

D'autres pourraient arrêter l'alcool, (je ne bois plus), la clope (je ne fume pas), moi c'est le beurre! J'aime le beurre! C'est atavique! Cependant, dans ma famille, de hauts Bretons, pas de motte au milieu de la table dans laquelle on pouvait piocher à la cuillère à soupe! Mais on en avait toujours dans le frigo, on n'avait pas d'huile d'olive, je ne savais même pas que ça existait jusqu'à ce qu'on aille en Espagne en vacances. La  livre de beurre n'avait jamais le temps de rancir!



J'en mange tout le temps, tous les matins avec du pain grillé et un peu de confiture, à midi avec les sardines à l'huile, les huîtres, l'entrecôte ou les patates à l'eau, avec le fromage, tous les fromages et surtout le camembert et le petit Charolais (le beurre adoucit le côté salé) et même en juin, je mange de grandes tartines beurrées avec des fraises bien fraîches que je saupoudre de sucre !  Pour peu qu'elles s'écrasent, leur jus coule sur la beurrée (si si c'est comme ça qu'on dit)  et imprègne la mie libre de beurre, dans les trous que j'aurais oubliés de couvrir! 

Bien sûr, je cuisine au beurre, je fais revenir les oignons et les légumes pour la soupe avant de les noyer d'eau, je recommande, c'est bien meilleur! Je cuis le poisson au beurre, le poulet rôti ne passe au four que s'il est enduit, les patates sautées le sont au beurre ainsi que les gâteaux (coup de bol je ne suis pas fan de sucre!). Le fin du fin est de déposer des îlots de beurre à la surface du far breton avant de le cuir au four! Saisi à point le beurre se transforme en flaques légèrement salées et sucrées sur les bords.

 

Car bien sûr je mange du beurre salé, du demi-sel avec des cristaux. 

Récemment j'ai trouvé un beurre Bordier au Sarrazin, il se mange seul, pas besoin d'y ajouter quoique ce soit!

Résultat un taux de cholestérol qui ne cesse de grimper et vient de dépasser les doses normales. 

Pour conclure une chouette blague reçue ce jour, d'un ami mien qui a bien senti que j'avais un problème! 

rhoooo! 

PS: depuis je mange les huîtres sans pain puisque sans beurre

mercredi 12 juin 2024

Pierre .

  



Mon arrière arrière-grand-père s’appelait Pierre, il était cultivateur et tailleur de pierre, il est mort à Combourg le 22 décembre 1881, il était marié à Françoise Marie Couvert (1827-1893) cultivatrice demeurant à la Basse Epine. La ferme existe toujours sur la commune.


Plusieurs générations de Lefrançois sont originaires de Combourg. Cependant, ils ne s’y installent qu’au début du XVIIIème siècle (1743), à la faveur du mariage de Jean Lefrançois (né en 1726 à Meillac) avec Gillette Lencezeur (1727-1799) originaire et habitant Combourg. Un de leur fils, Julien Lefrançois  y naît en 1758.

Meillac et Combourg sont deux villages voisins, aujourd’hui deux communes limitrophes ; Meillac est sur la départementale 794 en direction de Dinan, vers l’ouest. Les centres bourgs ne sont éloignés de 5,7 km que l’on franchit en 7 minutes aujourd’hui. 

A partir du milieu du XVIIIème siècle, la famille de Jean Lefrançois ne quitte plus Combourg.   Le couple garde pourtant des liens avec Meillac puisque leur fils Julien Auguste (1758-1808) épouse une fille Lafond Anne Françoise. (1771-1821) originaire de cette paroisse.  

Ces Lefrançois sont cultivateurs, à la Pérosselais, au sud de Combourg, ou à La Vieux-Cour, à l’est, mais surtout à la Basse épine au nord ouest.


La Basse Epine est un écart qui se distingue lentement d’un écart plus ancien, la Ville en Julien, le nom est ajouté au crayon à papier sur le cadastre napoléonien de 1828. Ces hameaux sont proches de la limite communale avec Meillac.


Cadastre napoléonien 1828




Cette branche de Lefrançois y reste presque tout le XIXème siècle. D’autres Lefrançois vivent  dans les autres écarts de la commune plutôt à l'ouest de la ville mais il n’y a pas de véritable dispersion sur tout le territoire de la commune de Combourg.

Les hommes vont chercher leur future épouse à la Chapelle-aux-Fitzméens : les filles Couvert principalement Rose-marie (1792-1838) et Françoise-Marie (1827-1897) demie nièce de la première puisque le père de Françoise était le demi-frère de Rose Marie. Se marier entre apparentés est une pratique courante des communautés "refermées" sur elles-mêmes (Martine Ségalen, Destins français, Essai d’auto-ethnographie familiale, Lyon, Créaphis éditions, 314p. p.59 ). 


A la Basse Epine, il y a une dizaine de maisons, composées d’une cour sur le devant et d’un jardin à l’arrière. On y vit majoritairement en famille, les oncles et leur familles sont voisins. Tous les Lefrançois sont propriétaires de quelques arpents,  on peut ajouter quelques terres ou landes, souvent dispersées parfois un peu éloignées de la maison .

Les revenus sont issus de ces petites propriétés insuffisantes pour vivre et de fermage. Les femmes sont ménagères ou journalières.

A la fin du XIXème siècle, la première migration d’envergure se fait vers la ville et le centre bourg, vers un des quartiers les plus pauvres de Combourg. 1880 marque une cassure du fragile équilibre économique fondé sur l’agriculture. Dans le pays bigouden, les plus pauvres se tournent vers les ressources de la mer, en Ile et Vilaine vers les emplois qu’offre la petite ville : cantonnier, domestique. 

Les Dupont/Lebaux sont plus mobiles sur l'ensemble du territoire au XIXème siècle mais aussi plus pauvres, ne possédant rien, pas même leur mobilier. 


Les revenus des terres étant souvent insuffisants pour faire vivre la famille,  les hommes ont développé une deuxième activité: tailleur de pierre, filassier, tisserand par exemple. 

Un seul chef de famille à la Basse Epine est uniquement cultivateur, sans doute gagne-t-il suffisamment pour vivre.


Les garçons et surtout les filles quittent la famille afin d’être domestiques chez des agriculteurs plus riches ou chez des notables de Combourg: Aimée Labbé employée chez le notaire maître Brugalé  ou l’oncle Désiré, en 1866,  domestique chez Fontaine Victor ou Léonie la future d’Emile, placée dès 12 ans chez l’instituteur. 


Les générations suivantes, mieux éduquées et dotées du certificat d’étude,  apprendront un métier, Léonie couturière ou Emile à la pharmacie. 


https://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/IA35017461

La Basse Epine aujourd'hui



jeudi 23 mai 2024

Les parents

 

Julien Marie Joseph Lefrançois 

Emile est né le 10 juillet 1892 à Combourg, chef lieu de canton, dans l’arrondissement de Saint-Malo, département de l’Ile et Vilaine, fils de Julien Marie Joseph Lefrançois et de Aimée Jeanne Marie Labbé. 


Mes arrière-grands-parents se sont  mariés le 3 juillet 1888 à Combourg. Une fois veuf, en 1917, l’arrière grand-père, alors âgé de 60 ans, se remarie le 27 juillet 1920 avec Amélie Françoise Corbes 38 ans, (1882-1964) qui lui survivra longtemps après sa mort. Le couple n’a pas d’enfant. 


Lefrançois Julien Marie Joseph est né en 1860 à Combourg, probablement à la Basse Epine, un écart sur la route de Meillac à l’extrême ouest de la commune. 


A son  mariage, il a  28 ans.  Il est tailleur de pierre. Il est le premier de la famille à ne pas être cultivateur. 

Julien n’a pas gardé les terres et la maison que la famille possédait à la Basse Epine. Elles  ont pu être  cédées à un frère qui, lui, serait resté cultivateur. Ce dernier selon la règle en cours en centre Bretagne dédommage (plus ou moins  bien ) ses frères et soeurs qui disposent alors d’un petit pécule. Or Julien en 1888 n’a plus qu’un frère, Joseph, et deux soeurs, Anne et Marie, toujours vivants. Sa mère vit seule à la Basse Epine, à son décès en 1893, la succession revient à ses enfants.

Le Frère, Joseph, est effectivement laboureur en 1894 lors de son mariage avec Marie Françoise Joseph Quérard cultivatrice.  Pourtant plus jeune que Julien, il ne sait ni lire ni écrire! Joseph ne reste pas à la Basse Epine, il rejoint le Hélan, ferme de son épouse entre les routes de Meillac et de la Chapelle aux Fitzméens, plus au sud. De nombreux  Quérard  y vivent,  il sont cultivateurs ou charpentiers. 


En 1896, la Basse épine n’apparaît pas au recensement comme si personne n’y habitait! En 1911, des Lefrançois y vivent à nouveau, Pierre (né en 1851) puis Désiré l’oncle (né 1834).



Julien habite  Combourg où il est cantonnier, donc employé par l’état. Très petit fonctionnaire il est mal payé, il ne gagne pas plus qu’un journalier mais il jouira d’une retraite (mise en place depuis 1853). Pour la famille, c’est le début d’une lente ascension sociale. 


Son épouse Aimée Jeanne Marie Labbé est ménagère, elle est née le 13 mars 1850, aux Chalonges, écart au nord de Combourg. Elle a 38 ans, donc 10 ans de plus que son futur époux. Elle n’est ni veuve ni séparée au moment du mariage. 

Elle est la fille de Julien Labbé, tailleur, et de Jeanne Rozé demeurant à la Saudrais. 


Aimée et Julien se rencontrent probablement à Combourg, elle est domestique chez le notaire, maître Brugalé où elle habite.

Le mariage est célébré par Gervais Parent, maire officier de l’état civil de la ville, le père du futur patron d’Emile.  

En se mariant, ils s’installent ensemble en ville, probablement dans le quartier de l’abbaye. Afin de préserver le faible patrimoine dont chacun dispose, ils  signent un contrat de mariage auprès de maître Brugalé notaire, le 1 Juillet 1888. 

L’âge tardif au mariage des futurs peut expliquer qu’un contrat soit signé. 

Cependant si Aimée dispose de quelques économies, compte tenu de son âge, ses parents sont pauvres. Le père, Julien Labbé, tailleur, ainsi que son épouse Anne Marie Rozé, ménagère, résidant à la Saudrais, sont présents au mariage. Le père, Julien, meurt en 1892 et l’inventaire après décès se solde par un certificat d’indigence daté du 2 mai 1893. La succession de son épouse Anne marie Rozé, qui décède en mars 1889 fait également l’objet d’un certificat d’indigence daté du 4 avril 1890. 

La mère de l’époux demeurant à la Basse Epine, cultivatrice, Françoise Couvert est également présente.

Les autres témoins assistant au mariage vivent à Combourg ce qui signale une sociabilité urbaine. Julien fréquente les artisans: Julien Malvin, charron âgé de 51 ans, Pierre Lagrue, forgeron 35 ans, ces amis n’ont aucun lien de parenté avec les mariés. Le dernier témoin est Désiré Lefrançois, cultivateur demeurant au Mée en Combourg, oncle de l’époux. 

L’oncle signe mal, d’une écriture malhabile,  Aimée également, mais le marié et les autres témoins restent fermes dans leur paraphe, le notaire se distingue en enrobant sa signature de  boucles impressionnantes.  Les membres de la génération précédente, les parents vivants,  ne savent pas signer!


https://archives-en-ligne.ille-et-vilaine.fr/thot_internet/ark:/49933/tht2v6wws3pc/235896/



Une fille, Louise Julienne Marie Joseph,  naît le 2 juillet 1890 à Combourg (elle meurt à Rennes le 2 mai 1941).

Emile naît deux ans plus tard, il n’y aura pas d’autres enfants. L’épouse est trop âgée, le mari a peut-être une semence qui se fait plus rare. 


Le père présente l’enfant de sexe masculin, « né en sa demeure le 10 juillet 1892 à deux heures du matin » , de son épouse Aimée Jeanne Marie Labbé ménagère âgée de 42 ans. L’enfant est prénommé Emile Julien. 

Le père va  à la mairie accompagné de deux témoins Joseph Salmon cordonnier et Eugène Brohan horloger (tous les deux âgés de 34 ans et demeurant également à Combourg, rue Notre Dame). 

Au début du XXème siècle, sur une carte postale on aperçoit la boutique du marchand de chaussures, Salmon qui est aussi cordonnier. 

Tous signent l’acte sur le registre d’état civil, mon arrière grand-père d’une belle et grande écriture bien ferme.  


AD Ile et Vilaine, la rue des Halles et la boutique de chaussures du cordonnier Salmon. 


La Mée où réside Désiré Lefrançois (https://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/IA35017458)



La Saudrais où vivent les parents d’Aimée Labbé (https://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/IA35017323)












mardi 30 avril 2024

Emile 1.




Emile arrive à Saint-Lô dans la Manche, en Normandie, le 17 mars 1909 pour un premier emploi « d’élève professionnel » dans la pharmacie Hebert rue Thiers. 

Il a 17 ans. 

Il commence son premier carnet de comptes le 19 mars et le termine le 11 octobre 1928, 19 ans plus tard à 36 ans. Symboliquement, en notant toutes ses dépenses, il entre dans l’âge adulte, puisque, quel que soit le pays, être adulte est le fait de subvenir à ses propres besoins et d’être autonome financièrement.


Ce premier carnet est  brun, de la marque STU, avec une feuille de chêne imprimée sur le coté droit dans le coin en haut, la reliure est renforcée par un bandeau collant noir devenu bronze avec le temps. Il mesure 9,5 cm x 15 cm et est donc d’un usage facile. Les feuilles à petits carreaux permettent de tracer un alignement, elles ont jauni  et sont piquées de tâches brunes mais l’écriture serrée est lisible, l’encre n’a guère pâli.


Il procède à une mise en ordre de sa vie en quatre colonnes: 

la date: le jour et le mois

l’objet de la dépense et les quantités

la colonne : utile et  coût

la colonne : superflu et coût

au bas de la page la somme totale de chaque colonne et son report en haut de la page suivante


Il note absolument toutes ses dépenses, probablement chaque soir afin de ne rien oublier. Souvent ces écrits ne sont pas conservés ou sont illisibles. Les comptes d’Emile ne comportent aucune rature, ils sont extrêmement  bien tenus comme la bonne gestion de la maisonnée. 

Le deuxième carnet d’un format plus grand  (17 cmx10,5 cm) est tenu pendant 42 ans, il commence en octobre 1928 et se termine en 1970,  il a 78 ans. Le superflu disparaît ou se confond avec l’utile « majoritaire » .


La vie de mon grand-père se résume à 61 ans de comptes précis, uniquement des dépenses! Les lignes de comptes suivent les lignes biographiques. Les carnets enregistrent les moindres faits et gestes de faible intensité, ils construisent l’état d’un individu et d’un foyer. 

De rares fois, Emile a noté des évènements majeurs de son existence par exemple  « la fuite de Thorigny » ou le bilan, en quelques mots, de ses années de guerre. 


Tout ayant un coût, cette vie se lit en filigrane dans les comptes. 


Quelle est donc le quotidien d’Emile à la Belle Epoque, jeune homme exilé dans la Manche? 



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