jeudi 21 janvier 2016

Primo Lévi, la trêve.

"Ils nous semblaient étonnamment charnels et concrets, suspendus (la route était plus haute que le camp) sur leurs énormes chevaux, entre le gris de la neige et le gris du ciel, immobiles sous les rafales d'un vent humide, annonciateur de dégel".
Je lis et je relis, la trêve de Primo Levi. 

Pourquoi?
Pour la qualité de l'écriture, la remarquable manière qu'il a de décrire les paysages de cette Europe à la fin de la guerre où il erre avec ses compagnons d'infortunes, attendant impatiemment de rentrer en Italie. Je suis lui, regardant ces plaines à l'infini, me perdant dans les forêts et les marécages, sur la charrette qui le ramène au camp qui les accueille un temps.
Pour l'amour qu'il porte aux Russes, la tendresse infinie qu'il a, afin d'évoquer leur côté foutraque, déjanté, surhumain, forcément vivant puisqu'ayant survécu au stalinisme, aux Allemands, à la guerre.
Pour l'espoir qui suinte de toutes les lignes, le grand espoir qui l'a fait tenir et survivre, cette joie douloureuse qu'il exprime d'être là après tout.
Pour la grandeur qu'il voit en toute chose un peu comme ces soldats montés sur leurs chevaux libérant Auschwitz, premières images de la liberté et de la force vitale parce qu'alors il n'est qu'un stück, un survivant abandonné par les Allemands qui vidaient le camp des prisonniers capables de marcher.
Pour la joie de ses compagnons, inventifs, combatifs, il les voit avec un tel regard de bienveillance et d'admiration, devant leur capacité à se débrouiller, que  j'ai longtemps pensé qu'il n'était qu'un vieillard. Pourtant, il a 25 ans, mais il semble si faible dans les descriptions qu'il fait de lui, il est celui qui marchera longtemps le regard vers le sol à la recherche de quelque chose à manger.
Pour la fascination que j'ai envers ceux qui s'en sont sortis.
Pour la chaleur d'un bain, les émanations de vapeur tandis que les infirmières russes le lavent.
Pour le plaisir retrouvé de lire, tout simplement. 

1 commentaire:

  1. Excellent livre, en effet. Une suite assez inattendu au tragique et superbe Si c'est un homme.

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