jeudi 7 janvier 2021

Yoga d'Emmanuel Carrère.

Yoga d'Emmanuel Carrère est un livre bâclé, écrit sur un coin de table en formica entre une tartine beurrée et un bol de café. Les taches de gras et les miettes de croissant ont laissé des traces sur le brouillon publié. 


Le livre n'a pas été retiré du prix Goncourt car l'auteur mêlait vie privée et autofiction mais très certainement pour incompétence littéraire, il était indigne de le laisser dans la compétition. 
La vénérable maison Pol m'a habituée à mieux, et généralement, je n'investis pas pour lire un piètre roman de gare! Le suspens y est probablement mieux mis en scène ; ici l'auteur sème régulièrement qu'il va s'y passer des événements plus sérieux que ce qu'il est en train de raconter concernant ses heures de méditations sur un tapis bleu dans un hangar en compagnie de 120 stagiaires. Il nous prévient à maintes reprises qu'il ne s'agit que d'une mise en bouche, avant de découvrir pourquoi il ne respecte pas son engagement à rester quinze jours. 
Qu'on puisse commencer une phrase par "ça" ne me gène pas à condition que le reste du récit soit vraiment de bonne tenue ... Or ici ce n'est pas le cas, l'écriture révèle une grande paresse et un considérable mépris du lecteur. 
Non seulement je m'ennuie profondément mais je dois relire plusieurs fois certains passages, non pas parce qu'ils sont riches en vocabulaire ou qu'il faut s'attarder pour en savourer la qualité et en goûter la saveur des évocations  mais parce qu'ils frisent le charabia! Emmanuel Carrère explique d'ailleurs "écrire ce qui lui passe par la tête dans la plus royale indifférence à l'opinion des gens qui disent qu'on s'en fout de ce qui lui passe par la tête...." Il évoque ainsi  Montaigne, page 85, auquel il se compare (je n'ai jamais pu lire Montaigne). "Ecrire tout ce qui vous traverse sans "le dénaturer " c'est exactement la même chose qu'observer sa respiration sans la modifier. C'est à dire que c'est impossible. Pourtant ça vaut le coup d'essayer. ça vaut le coup de passer sa vie à essayer. C'est ce que je fais, c'est mon Karma qui veut ça." ... (page 86). 
J'ai rarement vu un auteur enchaîner en si peu de pages autant de platitudes, de "ça" et de "on"! (14 on page 38 ou 7 c'est page 61)
Il existe des journaux intimes bien mieux écrits, des introspections bien plus passionnantes et inspirantes. 
Arrive ensuite, comme un cheveu sur la soupe, une scène de sexe dans un hôtel suisse, à Genève,  introduite comme un cheveu sur la soupe après une longue description de sa façon d'écrire : "je ne pense qu'à ça, je fais des phrases, des phrases, des phrases, il n'y a plus de place pour autre chose, ce sont parfois avec le sexe les plus hauts moments de ma vie, ceux où je me dis que ça vaut le coup d'être sur terre. ... Se représenter dans le moindre détail une nuit d'amour, je trouve ça non seulement agréable mais bon et sain." (page 88) ... Il embraye alors sur un récit d'un ennui profond, gênant car le lecteur devient voyeur. 

L'auteur nous livre son récit sans correction, sans relecture, et révèle une écriture de paresseux, qui réussit à vendre son bouquin, grâce au retrait fracassant de l'ouvrage pour le prix Goncourt. Dans dix ans, il finira à la poubelle sans état d'âme, voire dès demain ... 
Déception. 
Chez Babelio que j'aime bien parcourir avant de donner mon avis, le livre semble avoir trouvé des lecteurs ravis! Tant mieux! Les critiques littéraires des quotidiens nationaux se sont contentés de surfer sur la polémique parce qu'ils ont probablement lu le livre en diagonale. 
Pour moi, la magie Carrère, cette fois-ci, ne passe pas, je trouve injuste qu'il puisse publier grâce à sa notoriété. 

Le prix Renaudot Marie-Hélène Lafon, histoire du fils est d'une autre tenue! Ciselé, magnifiquement agencé, concis et riche! Je recommande vivement.



 

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