"Montpellier, le 11 janvier 1915,
Cher frère
Je t'envoie de mes nouvelles qui sont toujours très bonnes et j'espère que toi tu ne va pas plus mal. J'ai reçu ta lettre à laquelle tu me dit que tu a la main pourrie. Si tu pouvait te faire évacuer tu serais un peu mieux. Je t'envoie ma linette ainsi que les inséparables tu n'aura qu'à regarder à côté du 3ème bouton à droite en regardant la carte tu verras l'entrée de ma balle dans la capote je t'aie envoyé le colis le 8 comme je te l'aie dit sur ma dernière lettre . Plus rien a te dire pour le moment, bon baiser d'Hélina, ton frère pour la vie
Roger Degenne."
Roger Degenne."
J'aime ces photographies de groupe où tous les participants regardent le photographe, fixement. Je fonctionne au coup de coeur: le zouave au centre, le contenu, épatant, à l'arrière la carte, le groupe soudé, l'uniforme, les espadrilles, les cannes, l'air déterminé?
J'ai mené l'enquête afin de savoir ce qu'est devenu Roger et son frère, en posant l'hypothèse macabre qu'il soit mort pendant la première Guerre mondiale, le sujet est d'actualité. Un site gouvernemental répertorie tous les soldats, de toutes les guerres, morts pour la France: Mémoires des hommes .
Il existe effectivement un Roger décédé pendant la Grande Guerre (tout comme une vingtaine d'autres Degenne, ou Degennes).
Il correspond probablement au soldat qui pose sur la photographie: Roger Adrien Auguste Degenne, soldat de 2ème classe appartenait au 79ème régiment d'infanterie, numéro de matricule 19829, classe 1911, il est né le 5 décembre 1891 à Châtellerault dans la Vienne où il fut recruté, il a été "tué à l'ennemi" le 25 juillet 1918 au bois de Vrigny dans la Marne. Un frère plus vieux, Daniel est mort également, le 27 mai 1917.
C'est allé un peu vite en besogne, me direz-vous!
Cependant, j'ai aussi cherché sur le site geneanet. J'ai pu ainsi confirmer mon hypothèse première, puisque j'ai trouvé un Degenne Roger Adrien Augustin, marié le 27 octobre 1917 à Leugny, dans la Vienne, avec Augustine Elina Pager. Je ne pense pas que ce soit une coïncidence, à coup sûr, il s'agit de la fameuse Hélina dont il est question dans la carte, celle qui bisoute le frère à la main pourrie. Veuve aussitôt mariée, Elina trouvera un nouveau compagnon qu'elle épousera en 1925.
Comment une telle carte s'est-elle retrouvée dans les caisses d'un bouquiniste brestois????