mercredi 19 février 2014

Le cochon


A la demande d'une partie de notre lectorat aussi vieux que moi, avide de souvenirs vécus, je propose un billet fleurant bon la nostalgie, la campagne, le fumier et le lard. D'aucuns diront que je fais ma Cosette, mais je suis de la génération de transition qui a d'abord connu la campagne avant d'aller en banlieue. 
Je n'évoquerai pas l'odeur de l'encre séchée dans les encriers de porcelaine, pas plus que celle des craies de la salle de classe (hommage discret à René-Guy Cadou ayant bercé mon enfance) quoique dans la chapitre odeur, elles sont immédiatement associées à celle de Xavier  qui "chiait dans son froc et restait assis dessus toute la matinée en guise de représailles". Double punition, pour lui et pour la classe qui passait à sa proximité en se bouchant le nez! Aujourd'hui je pèse, à quel point, de nombreux instituteurs étaient autrefois cruels et pervers!
Non, je voudrais évoquer, tout aussi crument, ce qui occupait une partie de notre vie d'alors quand il n'y avait pas encore de réfrigérateur et surtout de congélateur: se nourrir! L'ampleur du travail à fournir mangeait le temps et mobilisait souvent plusieurs personnes.
Tuer le cochon relevait de la cérémonie, tout le village résonnait des cris de la bête avant le coup de couteau fatal. Nous, les enfants, on en avait fait un jeu, le seul qui regroupait petits et grands. Une fois par mois, dans la cour de récréation, on jouait à "tuer le cochon". Le  Xavier, plus grand et plus fort que les autres enfants en faisait un admirable, il n'avait pas son pareil pour pousser les cris stridents en courant dans tous les sens. Le truc était de l'attraper, ce qui était loin d'être facile puisqu'il avait plus de 10 ans ( nous 7 ans) et ce n'est souvent qu'à la fin de la récré que la bête était à terre écrasée par une armada de petits enfants.
Mon père, lui, tuait les lapins d'un coup de baton sur la nuque, puis les énucléait avec la pointe de son couteau d'un geste rapide. Attachée par une patte, la bête morte se vidait de son sang au dessus d'un seau. Il les dépieautait ensuite d'un seul coup! J'aimais particulièrement voir apparaître la chaire rosée, zébrée de vaisseaux carmins et fraîche dont la couleur tranchait avec le blanc de la peau retournée. La dépouille finissait de sécher dans le cagibi en attendant le marchand de peau de lapin, qui passait dans la rue en criant: " peau de lapin, peau! " On gardait la patte.
Ma mère tuait le poulet en lui tranchant le cou, j'avais envie qu'elle le lâche pour le voir courir mais elle ne l'a jamais fait. Ensuite elle le plumait furieusement, le vidait, passait la peau à la flamme et enfournait la bestiole au four en l'ayant copieusement beurrée, salée et poivrée.
Tout ça pour vous dire que j'adore le cochon, car tout est bon dans le cochon, j'aime notamment les pieds, dont les os nagent ensuite dans le bouillon, j'aime les oreilles, coupées en fines lamelles, en salade. 
En hommage, je me suis offert le cochon de Michel Pastoureau, un superbe bouquin! 


3 commentaires:

  1. Le cochon ! On l'appelait "Monsieur" parce que oui ! il nourrissait tout le monde ...... Moi je suis végétalienne pour des raisons sentimentales ou de sensiblerie ..... Je suis opposée à toutes ces souffrances que les humains se croient autorisés d'infliger aux animaux ......
    Bon , moi je suis travailleuse agricole , et je me souviens bien de la tuerie du cochon ....... Et surtout de l'odeur ! .... Oui ! toutes ces odeurs atroces ...... J'ai travaillé dans une ferme en Bretagne il y a for longtemps maintenant ..... La Patronne qui était résistante pendant la guerre , avait été déportée en camps de concentration ..... La pauvre en était revenue folle ..... Pauvre femme ...... Dans ma tête , oui dans ma tête il y a une blessure atroce ..... Elle me parlait de cette époque et elle me disait avoir vu des prisonnières obligées par besoin de manger de la chair humaine pour survivre .... Délire ou réalité ...... Mais dans ma tête à moi l'odeur du cochon mort , brulé .... et l'odeur que j'imaginais alors de cette chair humaine , tuée , brulée , dévorée ! ...... Bon voila , je suis végétalienne ..... Je me souviens la pauvre vieille avait des hallucinations , elle voyait la mort , l'ANKOU qui venait pour la prendre avec sa charrette la nuit sur la lande ....... Elle ne mangeait plus que de la bouillie de sarrasin , le blé noir des Bretons .... Mais la maison était envahie par l'odeur du cochon mort et du poil brulé ..... et dans ma tête c'était l'odeur des camps d'extermination .........

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  2. Chez moi aussi on tuait le cochon quand j'étais petite : on se cachait du boucher qui nous terrorisait (il était roux et sanguin, il avait un tablier blanc couvert de sang et un grand couteau qu'il affûtait avant de passer à l'acte), nous courrions nous cacher, mais malgré cela, on entendait la bête crier et hurler pendant l'agonie qui durait longtemps après avoir eu la gorge tranchée. Après, c'était la fête : les voisines venaient aider à faire des pâtés et des saucisses qu'on distribuait dans le village, et on nous donnait des étrennes. Cela s'est arrêté avec l'obligation d'abattre après étourdissement préalable dans les abattoirs. Comme il faut longtemps pour se défaire de cette violence tolérée par la société, il m'a fallu du temps pour arrêter de manger cette souffrance et cette angoisse animale, tellement on est élevé dans cette insensibilité que les jeunes enfants refusent. Depuis, les abattoirs sont devenus industriels : ils ont quitté les centres-ville, et les gens n'ont plus aucune idée de ce qu'il s'y passe. On se garde d'ailleurs bien de le leur dire et de leur montrer. Je suis végétarienne, et je progresse tous les jours à avancer vers des repas sans violence. La consommation de viande n'est pas soutenable pour la planète, ni pour les animaux, ni pour les humains : obésités, cancers et maladies cardio-vasculaires.

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  3. À la lecture de ce billet, une petite faim me titille l'estomac : le cochon est une source inepuisable de recettes et de découvertes : l'araignée de porc que j'ai cuisinée il y a peu de temps fut un régal ! Un essai transformé , essayez la! Plus classique la joue qui est un vrai régal. Stoppons là , c'est bientôt l'heure de l'apéro et de la cochonnaille qui va avec. Porctez vou bien!

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