mardi 17 février 2015

Une virée en Lituanie par procuration

Laurent est en voyage en Lituanie, il nous raconte son 
séjour. 



Première nuit à Vilnius, aux marges de l'empire. Reste à savoir lequel. Demain, c'est la fête de l'indépendance lituanienne. 
Un premier aperçu de la ville sous un triste ciel d'hiver de février, avec une neige en grande partie fondue. Les gens sont agréables. Nous sommes installés à l'hôtel, dans un espèce de cube occidental posé au milieu d'une ville encore en grande partie dans son jus du passé soviétique. Nous avons déjeuné dans un restaurant arménien old school, qui rappelle que l'URSS se faisait gloire des nationalités. Pour ma part, j'ai dégusté une excellente truite grillée, accompagnée de riz et d'épices, (met définitivement impossible à trouver à Angers) sur une musique d'Erevan. Michaël m'impressionne, il passe les commandes en lituanien. Il est compris et il comprend ce qu'on lui répond ! A la gare, aussi une maquette du système ferroviaire, qui montre que la Lituanie n'est qu'un petit bout de territoire coincé entre la Lettonie, La Russie, la Biélorussie, la Pologne et l'enclave russe de l'ancienne Kaliningrad. En dehors, de l'axe Vilnius, Kaunas et de Kleipeda, on ne peut pas bouger beaucoup sans se retrouver chez le voisin, ami ou hostile !



Deuxième jour à Vilnius

Le soleil d'hiver est là, cette fois, froid, mais nous offrant un ciel bleu immaculé. Michaël m'a emmené dans la vieille ville: longues promenades, vieilles églises. Une première église baroque, un peu abandonnée, mais richement ornée comme il se doit, avec son lot de saints martyrs et d'angelots. Une mention spéciale au martyr qui prend un coup d'épée sur la tête, épée toute droite sortie du mur. Une seconde église baroque, plus richement ornée, marbrée, où j'ai délaissé mon appareil photo, face à une église pleine à craquer de vieilles dévotes à genou en prière en plein "Je vous salue marie". La scène rappellerait l'Irlande, mais ici je n'ai vu qu'un jeune prêtre, aucun homme, aucun jeune dans l'église. Ensuite, nous sommes allés dans l'église ukrainienne de la Sainte-Trinité, à peine sortie de son abandon, où les soviets avaient dû installer une grange et une écurie pour leur chevaux. On a récemment refait les quatre piliers, fêté les cinq cents ans de l'édifice, mais les sièges sont des fauteuils en sky ou recouvert de feutre rouge comme dans un vieux cinéma, le sol est, ici où là, recouvert de tapis, de morceau de lino, de chape de béton. On aperçoit le vieux carrelage, une vieille pierre tombale du XVIIIe, une porte sur deux seulement est refaite et les icônes sont des chromos tout récents qui restituent le faste d'antan, dans les espaces dépouillés de leur ornement. La carte visa est acceptée pour les dons. Nous avons mis un unique cierge à un euro - j'ai une autre chapelle à sauver - . A 300 mètres, autre choc, autre périmètre sacré, l'église russe orthodoxe. Il faut savoir que les accès sont protégés par des murs avec de grands portails, que les vieilles femmes ne passent pas, sans avoir fait le signe de la croix. Là, défense de photographier, défense de parler, défense de porter un couvre chef. L'église est magnifique, rutilante. L'intérieur n'est plus baroque, mais empreint de mille ans de culture russe, avec un art de la représentation stylisée des saints, que j'aime et que j'ai apprécié lors d'une expo du Louvre. Un gigantesque jubé d'un beau vert pâle. Au milieu de l'église, trois corps dans un catafalque, dépouilles mortelles des trois saints patrons de l'église. Ici et là du personnel, très sérieux, très occupé: un gardien, une vendeuse d'images pieuses, deux femmes préposées à ôter la cire des cierges offerts par les fidèles des candélabres. Pas un centimètre carré n'est visible, les cuivres rutilent comme neufs. Tout à coup, une femme pousse un cri, une sorte de hurlement ou de sanglot. Cachées derrière un pilier, deux autres plutôt jeunes dont une  qui pleure. L'une des préposées aux candélabres lui propose gentiment un mouchoir.

Vers midi, nous avons déjeuné dans un restaurant trouvé par hasard et qui s'est avéré fréquenté et tenu par des Français. J'ai commandé une soupe de poulet façon thaï et à nouveau une truite. Le tout était excellent. Et, la truite n'avait rien à voir avec celle grillée à l'arménienne. Ici pas de sauce ou d'épices pour corser le plat, j'ai retrouvé le parfum des truites de mon enfance, c'est-à-dire un vague goût de rivière : le chef de "La moutarde" sait choisir ses produits. Et, la tarte tatin était aussi unique, je n'en ai vue nulle part de pareille et d'aussi savoureuse. Deux menus : 42 euros y compris les bières et les cafés, je dis ça, je dis rien. 

Ensuite, nous avons, à nouveau, affronté le froid sous le soleil. Notre promenade nous a fait découvrir le palais des ducs de Lituanie, de style assez prussien ou polonais, bref un style de l'Est! Les rues et certaines voitures sont ornées du drapeau lituanien pour la fête de l'indépendance. Jaune pour les blés dorés, vert pour les champs et rouge pour le sang versé pour la Lituanie. Nous sommes arrivés ensuite devant la cathédrale et son beffroi, qui donne au tout, un air de Florence et ici, j'ai eu un grand moment d'émotion. Une chorale emmitouflée dans des doudounes blanches s'est mise à chanter l'hymne national, tandis qu'une foule a déboulé quasiment en cortège à travers la place, venant d'un point A et allant vers un point B dont j'ignore tout. Certains avaient le drapeau à la main - une femme avec un bonnet tricoté vert en forme de colline, surmonté d'une tour et du drapeau, qui correspondent à la tour de Gedeminas en haut de la colline (gedeminnio pilies bakstas). Le soleil, le bleu du ciel, le calme de ces gens m'auraient tiré une larme. On voyait le peuple qui avait fait une farandole à travers les pays baltes afin d'obtenir pacifiquement son indépendance.
Finalement nous avons suivi la foule à travers l'avenue Gedeminas, où des amas de bois réguliers présagent des feux de joies pour ce soir.
Nous sommes rentrés à l'hôtel en faisant un léger détour pour chercher la synagogue. C'est un puissant édifice de 1903, qui domine un quartier de son dôme. Le fronton de la façade est surmonté des tables de la loi. Une pancarte informe que Vilnius était surnommé la Jérusalem du Nord et possédait plus de cent synagogues. Il n'en reste qu'une. Et, la pancarte ne fait pas d'autres commentaires. L'édifice est fermé par des chaînes.
Ce soir, nous allons au gala du philharmonique. Nous avons réussi à acheter deux billets à un homme qui voulait les revendre. La présidente Dalia Grybauskaite (née en 1956, tout un symbole) sera là. On se souviendra que le premier président la Lituanie, Lansbergis, était un musicien de cette philharmonie.

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