mercredi 30 septembre 2015

Et mon petit coeur à moi

J'avais des amours et surtout un amour, exclusif, aveugle, trop sans doute. Avec la lumière il s'est délité tout doucement, ce qu'il en reste est un lien ténu, distancié, (très), un lien trop faible, prêt à casser définitivement mais paradoxalement encore hautement résistant... 

Ce qui fait résistance ? 
Une présence visible, une préoccupation permanente, contre laquelle il s'agit de lutter, la rumination, la culpabilité d'être à l'origine de la rupture, l'oubli de ce qui fut si désagréable, le questionnement permanent sur la nécessité de rompre ou pas. 
Cet amour, il fut égal tant que notre vie sans enfant était faite de travail, de fêtes, de cinéma, de vacances, de collaboration. Certes, je faisais probablement davantage les courses, mais j'avais le temps, certes je me coltinais le repassage mais vite fait. On faisait tout ensemble, on travaillait de concert à nos bureaux, on sortait, on causait, on s'enthousiasmait pour des bêtises ou des combats, on invitait, on dansait, on se trémoussait sur des djerks endiablés et je n'avais alors pas le sens du ridicule! J'étais gaie et joyeuse....
Tout a basculé brutalement le jour du décès de F... Le silence s'est installé durablement avec son lot d'incompréhension, d'interprétations, de frustrations, de ruminations, de culpabilité. Je n'étais plus gaie et joyeuse, je me souviens être devenue anxieuse, épuisée, fatiguée, pressée, à devoir tout faire vite mais aussi pressée de faire, bien, si possible, même si cela ne l'était pas, pliant sous les reproches, les piques, étant multitâche  (ménage, cuisine, bouffe, prof, thésarde, mère), divisée, râleuse, inquiète, démunie, surtout frustrée de ne pouvoir faire, de ne pouvoir partager, de ne pouvoir dire mes reproches, sans risquer d'être encore plus mégère (?), impuissante à déterminer l'erreur, le manque, le grain de sable qui faisait tout basculer, culpabilisée, bref, une vie de femme inquiète sans sens critique, sommée d'accepter tout au prétexte (croyance) qu'on ne peut vivre seule et élever ses enfants, qu'on reste mariée à vie, qu'il faut alors courber l'échine et encaisser tout de l'époux. 
Le poids a fini par s'alléger en semaine pour s'appesantir les week-ends afin de compenser l'absence, courte, certes, au gré de l'humeur, tantôt apaisée, tantôt rancunière puis des absences de plus en plus longues et les week-ends de plus en plus courts, sans pour autant être plus légers! 
Comment? 
Une double vie? 
La réalité tombe brutalement, fortuitement, un jour, sur l'écran de l'ordinateur, celui du téléphone, l'appareil photographique pas nettoyé des vacances avec l'autre. C'est le premier jour de la fin de la vie, celle de la famille, du couple coûte que coûte, de la confiance, la mort du prince charmant, l'impression de se noyer, de dévisser, de mourir ou de risquer mourir. Les kilos en moins, la peur de sortir, de rencontrer, l'étouffement, l'angoisse, l'ampleur de la culpabilité, plus que jamais. Qu'avoir fait pour mériter ça? La faute, la  très grande faute: mauvaise mère, mauvaise épouse qui n'aura pas suivi son mari, dans ses errances professionnelles, moche, mégère, ne comprenant rien à rien, confisquant les enfants, pas aimable, forcément. 
Bien fait! 
Effondrement, dévissage, remise en cause, dépression, culpabilisation, profonde détresse, questionnement. Le trou...être au fond du trou.

Il y a celles et ceux qui partent, tout de suite, et ceux qui n'osent pas, erreur! Pourquoi? La force du lien, même toxique, probablement.

Alors voilà, quand peut-on dire qu'un amour est mort?

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