lundi 18 mars 2013

De la vacuité


Je suis  une lectrice assidue du Monde et de ses feuilles spécialisées. Pas un week-end sans un article concernant les habitudes des internautes qui n'échappent à l'analyse du journaliste, souvent inspiré par les études de sociologues, ou de psychologues, voir d'analystes tout court de tout et de rien. Aujourd'hui,  il s'agissait d'un papier concernant les photographies culinaires, celles que publient les clients sur leur smartphone, avant même de dégainer leur fourchette. L'auteur discutaille sur le bienfondé de la pratique, étudie le procéder qui, selon lui, relève le plus souvent du m'as-tu vu?
Et si tout simplement, l'instagrammeur voulait sceller l'instant de bonheur qu'il ressent, s'imaginant archiver pour lui, d'abord, ce moment magique qui est de se régaler au restaurant! Leur fréquentation, n'en déplaise aux Parisiens, n'est souvent qu'un moment d'exception, choisi, heureux. Immortaliser son assiette de frites donne le sentiment d'inscrire l'instant dans le granite! 
La semaine dernière un de ces observateurs de la société critiquait les touristes immortalisant les paysages avant même de les regarder! Selon lui, il s'agissait de chercher à mettre en cadre, d'ordonner, de baliser avant de vivre. Il est vrai que voir l'ipad brandi au dessus de la tête est souvent très comique, mais je ressens pour ces visiteurs une grande indulgence et de l'empathie.
Stop, laissons les gens vivre comme bon leur semble sans forcément y voir un trait profond de société!
Ces analyses  me font immanquablement penser à un ouvrage d'Heinrich Böll, lu il y a bien longtemps. Vers 20 ans, j'étais fan de cet écrivain allemand, je n'ai, à ce jour, par replongé dans ses romans de peur d'être déçue, mais je les garde précieusement. Pour vous ce soir, je m'y colle car l'analyse des pratiques de nos contemporains par les journaleux de tout bord me fait immanquablement penser à soeur Rachel dans Portrait de groupes avec dame, observant au réveil les résidus tant solides que liquides de la digestion des jeunes pensionnaires de son établissement. Celles-ci n'avaient pas le droit de les faire disparaître avant que soeur Rachel les eût examinés. "Contrôle qu'elle exerçait sur les filles de quatorze ans dont elle avait la charge, avec une sureté de diagnostic époustouflante". La bonne soeur avait développé toute une théorie du bien chier, et notamment, l'idée qu'une bonne hygiène défécatoire ne pouvait que s'accompagner d'un cul propre à la sortie de l'étron. Il n'était alors besoin d'aucun papier. L'héroïne, Léni, (remarquablement interprété par Romi Schneider dans le film du même nom) s'appliquait chaque matin, à couler un bronze parfait et je ne pouvais m'empêcher de penser que cette expression triviale révélait une pratique proche du grand art: selon  Rachel, surnommée Aruspice, "tout individu sain intelligent, peut accomplir ses fonctions organiques, sans devoir recourir au moindre petit bout de papier". Chier artistiquement pouvait donc être l'objet d'un sujet littéraire mais également une oeuvre hygiénique révélant une santé parfaite. Le moindre écart, diarrhée, merde collante, relevait la mauvaise hygiène de vie, le dysfonctionnement sanitaire, le désordre psychique et la faute de goût.
Mais quel rapport me direz-vous avec ces articles qui auscultent les pratiques modernes? Aucun si ce n'est qu'à chaque fois je mesure l'inutilité de l'examen, qui ne sert qu'à étaler la crème sur la tarte. Immanquablement, je me demande quand on ira examiner ou renifler le trou du cul de nos voisins, pratique médicale autrement plus utile?

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