J'ai oublié mais l'engin peut vous pourrir la vie, être la troisième personne immatérielle, absente mais tellement présente que toute conversation est impossible!
Quand j'étais enfant, ma mère allait exceptionnellement téléphoner chez le forgeron. Il était le seul à l'autre bout du village à être équipé, il faisait aussi café, un café moderne, au mobilier en formica blanc. On y allait assez souvent pour je ne sais quel rendez-vous téléphonique mais je passais mon temps dehors à regarder l'homme de l'art fixer les fers sur les sabots du cheval de trait, harnaché au portique de bois, avec de large bandes de cuir passées sous ses flancs. Je vois le forgeron gratter le sabot, en curer l'intérieur. Je me souviens très nettement du souffle et du martèlement régulier sur les fers, chauffés jusqu'à être rouge vif, j'aimais aussi l'odeur de corne! A chaque fois l'opération était fascinante, mais je ne me souviens pas vraiment du téléphone.
En venant habiter en ville, dans les années 70 mes parents se sont équipés d'un téléphone noir en bakélite qu'ils avaient placé dans un placard que l'on devait ouvrir pour répondre. Mon père n'avait pas envie qu'il se voit et prétendait que l'enfermer allait en limiter l'usage. Je me demande même si son intention n'était pas d'empêcher ma mère de s'en servir trop longtemps, la position debout devant un placard borgne n'étant pas réellement la meilleure solution pour guérir des maux de dos permanents. On mettait notre pied sur les étagères afin de soulager la position debout, en vain.
Etudiante, j'ai passé de longs week-end de garde à répondre au téléphone aux patients malades qui avaient besoin d'un médecin en urgence, parfois j'avais à peine le temps de m'assoir, je devais noter exactement l'adresse, et prendre toutes les indications utiles afin de se rendre chez eux ; sans moyen de les rappeler et sans GPS, il fallait être précise. Puis les premiers téléphones portables sont arrivés, le premier coup de fil reçu fut émis d'une jeep! Ensuite les médecins se déplaçaient avec des boîtes hyper lourdes de la taille d'un pack d'eau, mais c'était mieux que rien!
Puis nous sommes passés des téléphones de la taille d'une chaussure, qui m'ont longtemps fait penser au talon de Max la Menace, au smart-phone actuel qui ne fait pas encore le café!
Je ne pensais pas qu'il pourrait être à ce point un handicap à la conversation en tête à tête, voir une raison de tout laisser tomber à son usage exclusif! J'ai attendu une heure tout en suivant une conversation tronquée avant de pouvoir en placer une, commander un plat et discuter benoîtement. En gros, entre les mains de goujat, on a envie de le prendre et de le balancer à la flotte en hurlant " un homme à la mer" ! (Ce qui ne serait pas complètement faux ...)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire