samedi 22 décembre 2012

Le destin

Lorsque je lis un livre qui me prend aux tripes, dont l'écriture me transporte, je me plais à m'imaginer écrivaine: dans ce mot il y a vaine et c'est sans doute pourquoi cela est toujours resté un rêve.  Pourtant petite, avec mon amie Hélène, par des températures estivales étouffantes, nous nous enfermions dans la chambre en soupente, volets fermés, à la lumière d'une loupiote éthique afin d'écrire les histoires d'un petit écureuil. Nous mesurions l'avancée de notre travail et sa qualité à l'odeur de fauve que nous conservions précieusement, elle était le témoin de nos intenses cogitations et la certitude que nous écrivions un chef d'oeuvre qui serait assurément publié.  Ma copine, qui avait un an de plus que moi, une poitrine en devenir monstrueuse, que j'enviais secrètement, moi, qu'on appelait bout de zan, plate comme une limande, (j'allais écrire limace...), sans le moindre téton turgescent, ma copine, disais-je,  par son ancienneté dans l'apprentissage du français,  tenait la plume. Je donnais les idées et je recopiais, sur une carnet, les aventures de Panache, ce con d'écureuil qui n'a, dans notre livre, jamais fait autre chose que d'amasser des noisettes et bâtir son nid. On passait plus de temps à se raconter des histoires de garçons. Elle lorgnait sur un gars du quartier voisin qu'elle a fini par épouser, je l'ai, depuis très longtemps, perdue de vue... 
Pourtant cette envie d'écrire n'a jamais disparu et je me demande souvent comment font les romanciers pour toucher au plus près, la vraie vie, réussir à nous transporter au coeur des hommes et des paysages. 
Sans doute beaucoup de travail. 
Ce matin je m'y suis essayée au bruit du vent d'ouest et de la douceur de Noël qui approche, au point de ne pas y croire. En ces jours de décembre, il est difficile, par temps gris, venteux et pluvieux, de distinguer le jour de la nuit. Bercée par le chant de la houle et des vagues, je pensais qu'il était quatre heures, or il était déjà celle de courir. Je n'ai fait qu'émerger lentement. J'opterai, cet après midi comme hier, pour le bain, très frais, très, mais salvateur.
Personne ici, avant le tourbillon des fêtes:

"Il se reprochait si cruellement s'être trompé de destin et courait après des chimères. Le bleu du ciel du sud, le chant des cigales, le pastis à l'abri des canisses, la douceur d'une voix féminine jeune, le couple idéal qu'il avait perdu dans les méandres du travail.
Depuis, il affichait un avenir serein, après s'être  débarrassé d'une mégère et de ses trois gamins briseurs de rêve. Il pouvait enfin offrir au monde, une vie professionnelle aboutie, (le haut du pavé), un couple idéal que ne viennent pas pourrir, les courses au supermarché, la fatigue du soir, les obligations des week-ends à emmener les uns et les autres aux compétitions où "tous des cons" vous pose en victime, (la plus grande, il va sans dire) vous gâche le temps libre qui aurait pu être mis à profit sans trivialité.
Il vivait depuis dans l'illusion d'être maître de son destin, bâtissant son bonheur sur une maison choisie, seul, aux murs épais de granite, mettant son bonheur en scène au milieu des livres et des instruments de musique, une vie idéale, faite d'épuisement des désirs, sans contrainte, sans quotidien, sans fils, renonçant à la soumission, à la vie de  famille, libéré des liens qui entravent et empêchent de jouir".

1 commentaire:

  1. vas-y, vas-y, jettes toi ! et pas à l'eau... (froide) cette fois !

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