vendredi 2 novembre 2012

La Toussaint.


Pour moi, petite, la Toussaint consistait à fleurir les tombes de ma grand-mère paternelle et des oncle et tante de mon père, Anthyme et Désirée, morts, à priori alcooliques, sous une couverture léopard, en poils probablement synthétiques,  rapportée de  je ne sais où par le grand-oncle. Il avait fait les "Dardanelles", embarqué sur un navire de 1914 à 1922.
On partait de bon matin, en Dauphine et on arrivait tandis que les brumes se levaient au dessus du bocage d'Ile et Vilaine. On s'arrêtait au cimetière dont la blancheur des cailloux me fascinait. Parfois ma tante était déjà passée, laissant un chrysanthème jaune sous la croix, nous déposions les nôtres soit à côté, soit au pied de la tombe. On évitait soigneusement le grand-père, toujours vivant, afin de ne pas avoir à le saluer. J'ai dû l'apercevoir une ou deux fois, à travers les allées: un grand type au nez aquilin souligné par une moustache, l'air pas aimable.
Ensuite on passait dire bonjour à la grande-tante Aimée, la soeur du pépé, qui, elle était digne de notre  visite. Elle servait un jus cuit et recuit, bouillu depuis le matin dans une casserole cabossée, en émail bordeaux, à l'intérieur bleu moucheté, à mes parents, tandis que mon frère et moi restions fascinés par l'intérieur rural, la terre battue que je tâtais du bout du pied, la grande cheminée, le lit au coin de la pièce recouvert de deux monstrueux édredons, le froid qui se matérialisait par la vapeur sortant de notre bouche.
Ensuite on filait (si tant est qu'en Dauphine on puisse rouler à vive allure) vers Saint-Malo.
Là-bas, personne n'étant encore mort, on passait le week-end en famille, jusqu'au jour où pour d'obscures raisons, mes parents se sont fâchés avec ma tante et mon oncle,  pas au point de ne plus se voir, mais suffisamment toutefois,  pour ne plus y passer de séjours. Je l'ai toujours amèrement regretté, vivant comme une perte de ne plus pouvoir jouer dans le grenier de mes cousines, très différent du mien. Les cousines étaient "bien élevées", cultivées et citadines. Elles avaient la chance de faire de la voile l'été et je rêvais d'habiter un jour au bord de la mer.
On se contentait ensuite d'une journée, vite fait, en voiture la plupart du temps, un aller-retour dans la nouvelle voiture l'ID. 
* la photographie a été prise dans le Saint-Sépulcre à Jérusalem. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...