lundi 17 juin 2013

Les grillons


Je voue un amour particulier aux grillons. L'absence d'été ne les empêche pas de chanter en choeur depuis quelques temps et j'aime les écouter en jardinant.
Une des grandes joies de mon enfance fut d'aller à la chasse aux grillons: pas de fusil à pompe, ni de d'objets contondants pour tuer la bête mais une simple  herbe fine, toute fraîche cueillie. 
Le grillon chante à la fin du printemps lorsque les herbes sont hautes dans les champs, que les coquelicots fleurissent sur les talus et que les digitales les dominent de toute leur hampe majestueuse.
Le but était de prendre un couple et de le mettre dans la boîte à chaussures préparée pour la circonstance, son couvercle était troué de minuscules scarifications faites au couteau pointu. 
Très con la boîte à chaussures, puisqu'on ne pouvait pas les observer! 
Au bout de quelques jours, ne les ayant pas une seule fois entendu chanter, on les lâchait dans le jardin avec le secret espoir qu'ils y élisent domicile! Mais il est fort probable qu'après la sévère période de jeûne à laquelle on les avait soumis, ils n'avaient guère envie de s'éterniser ni d'y faire leur trou.
J'aimais la marche d'approche dans le champ à vaches, à petits pas légers, courbée sur les grandes herbes. Plus tard, j'ai appris que point besoin n'était de les surprendre puisque l'habitat est généralement situé dans un endroit sans herbe, avec une terre lisse, ratissée par les pattes, propre comme un sou neuf. Il s'agit d'une petite terrasse pour se dorer au soleil que la bête apprécie particulièrement.
J'aimais ensuite chatouiller la bestiole  au fond de son trou avec le pied de l'herbe fine, on la faisait rouler entre pouce et index, en deux temps trois mouvements le grillon sortait, il suffisait de le cueillir.
J'aimais le garder un temps au creux de ma main, qu'il chatouillait. 
La seule fois où la chasse fut véritablement risquée, fut lorsque les vaches, qui jusqu'alors paissaient paisiblement, excitées par les mouches, s'étaient précipitées sur ma copine et moi, on disait alors qu'elles mouchaient! On avait détalé, totalement mortes de trouille, elle en traversant un champ d'orties qui lui laissèrent pendant deux heures des boursouflures urticantes. Je ne l'ai jamais revue! Je m'en veux encore de l'avoir attirée dans ce qui m'a semblé, longtemps, être un guet-apens ; elle avait une mère couveuse qui préférait voir ses enfants devant la télé que dehors à battre la campagne, ce fut pour elle la première et dernière fois qu'elle  courut dans les champs. En prime, elle prît un savon mémorable.

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